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REVUE MUSICALE

LES ARTISTES ET LES CONCERTS DE 1858.



Les concerts sont finis, la saison musicale est définitivement close. La bataille a été longue, bruyante, entremêlée de nombreux épisodes et de combats singuliers pleins d’éclat. De grands artistes accourus de tous les coins de l’Europe sont venus se mesurer sous les yeux du public parisien, en s’écriant comme les paladins caracolant devant la dame de leurs pensées : In te vivimus, per te moriamur. MM. Rubinstein, Litolff, Wienawski, Sivori, Bazzini, Tamberlick, des pianistes, des violonistes et des chanteurs de tous les pays et de toutes les langues se sont disputé l’honneur de vivre au moins une semaine dans les fastes de la vie parisienne. C’est que la vie, la vie de l’esprit est ici, dans ce foyer permanent d’événemens, d’incidens de toute sorte qui se succèdent avec une rapidité effrayante, et, si l’histoire est étudiée en Allemagne, c’est à Paris ou à Londres qu’elle se fait. Le reste du monde observe, médite et subit les conséquences du mouvement qui s’accomplit ailleurs.

Un fait consolant que nous pouvons constater tout d’abord, c’est que Paris se transforme. Il se transforme non-seulement dans ses monumens, dans ses rues, qui s’allongent et s’élargissent indéfiniment, mais aussi dans ses goûts et dans ses tendances esthétiques. Un public nombreux et zélé encourage les différentes sociétés qui se sont instituées depuis plusieurs années pour l’exécution de la musique instrumentale. On écoute avec intérêt et soumission, quand on a le malheur de ne pas les comprendre, les chefs-d’œuvre des maîtres de la symphonie, du quatuor, du concerto et même de la sonate, ce qui étonnerait bien Fontenelle ! La romance séculaire, le couplet grivois, l’ariette, l’air varié de ces messieurs les professeurs de toute sorte d’instrumens, enfin ce qui constitue dans le commerce musical l’article Paris, et qui se débitait sous les titres les plus attrayans, comme le Soupir, la Prairie, les Larmes, le Murmure du Ruisseau, le Chant de la Cigale, la Danse des Lutins, — toute cette poésie avariée de mauvaises notes est délaissée par la bonne compagnie. Haydn, Mozart, Beethoven, Mendelssohn, Schubert,