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dications fournies, c’est-à-dire s’il devait prononcer un verdict sur la sincérité ou sur le mensonge d’une déclaration, il assumerait une responsabilité souvent périlleuse. Je me borne à soumettre ces considérations en regard de l’opinion émanée du président de la commission impériale, opinion que je voudrais pouvoir partager, car rien ne serait plus désirable que la connaissance du prix réel des produits; aucun renseignement ne serait plus précieux, tant pour les gouvernemens chargés de préparer les lois économiques et commerciales que pour la masse des consommateurs. Toutefois cette question est entourée de telles difficultés, qu’il est permis de la juger insoluble par le système de l’indication obligatoire. L’indication facultative, qui, à vrai dire, ne trompe pas le public autant qu’on le suppose, parce que chacun sait ce qu’elle vaut dépourvue de tout contrôle, paraît devoir être maintenue.

Quant aux jurys des récompenses, le président de la commission propose de les supprimer en les remplaçant par des jurys d’études. Dans sa pensée, le progrès industriel n’a pas besoin d’être encouragé, provoqué par l’autorité officielle : le meilleur juge des perfectionnemens accomplis, c’est le consommateur; le véritable aréopage des récompenses, c’est tout le monde. Ces principes établis, le prince Napoléon signale avec force les nombreux inconvéniens que présente, à ses yeux, l’institution des jurys tels qu’ils ont fonctionné jusqu’à ce jour. Le temps, les moyens d’examen, les termes de comparaison, tout leur ferait défaut. Les meilleures intentions, les études les plus consciencieuses ne les préservent pas d’erreurs, d’injustices très regrettables. Si pour les industriels de premier ordre, dont les produits commandent l’admiration générale, les récompenses peuvent être décernées sans hésitation et ne risquent point d’être contestées par le sentiment public, il n’en est pas de même des récompenses accordées à une foule d’industriels dont la supériorité relative laisse quelque place au doute. Alors s’agitent autour des jurys les intrigues, les influences, les mille manœuvres du savoir-faire, qui dans bien des cas enlèvent les médailles méritées par des concurrens absens, plus modestes ou moins adroits. Il n’y a d’ailleurs pas de criterium, pas d’étalon commun pour les appréciations des jurys. Les produits étant partagés entre divers groupes, il arrive souvent qu’un produit, récompensé dans la classe à laquelle il appartient, se trouve très inférieur, quant au travail et au génie de l’inventeur, à des produits non récompensés dans d’autres classes. Il conviendrait donc de transformer les jurys actuels en simples jurys d’étude, qui auraient pour mission de décrire les produits et de mettre en relief les inventions et les perfectionnemens. Ces jurys, au lieu de rendre des verdicts, émettraient des vœux et des observations