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que l’on serait forcé d’admettre, pendant quelque temps encore, jusqu’à ce que l’exemple de quelques-uns eût entraîné la masse des industriels, le système de l’indication facultative; mais je n’insiste pas sur cette légère contradiction qui subsiste entre l’opinion absolue développée dans le rapport et le mode indiqué pour atteindre le but. J’aime mieux applaudir aux nobles sentimens dont on vient de lire l’éloquente expression. Il n’y a pas un industriel, pas un commerçant, même parmi ces exposans qui en 1855 ont fourni des indications illusoires ou volontairement inexactes, il n’y en a pas un seul qui ne proclame bien haut les principes exposés par le prince Napoléon sur le rôle et les obligations du négoce. Tous déclareront qu’en effet ils ont horreur des ténèbres et qu’ils veulent la lumière; tous protesteront de leur amour pour la vérité. Malheureusement ce qui est bien certain aussi, c’est que quand il s’agira de livrer leurs prix à la publicité d’une exposition, un certain nombre d’industriels puiseront dans leur intérêt, bien ou mal entendu, des argumens décisifs pour s’abstenir. Lors des fréquentes expositions qui ont eu lieu soit en France, soit à l’étranger, la proportion des exposans qui ont indiqué leur prix de vente ou de revient a toujours été des plus faibles. On a vu ce qui s’est passé en 1855. En effet, le prix d’un produit, non pas seulement le prix de revient, mais encore le prix vénal, est le secret, et le secret très légitime, du manufacturier et du commerçant. A l’exception de quelques grandes usines qui, pour certaines catégories de produits, travaillent au grand jour et possèdent des tarifs presque invariables (celles-là sont connues dans le monde entier, et la fixité même de leurs prix est un élément de leur prospérité et de leur réputation), la plupart des manufactures, tant en France qu’à l’étranger, ont des tarifs différens, suivant la nature et l’importance de leurs acheteurs, suivant les saisons, suivant les alternatives de la vie commerciale. On ne leur demanderait pas les prix de revient, qui, de l’aveu de toutes les personnes compétentes, est le plus souvent impossible à établir exactement pour une appréciation comparative : le prince Napoléon ne demande que le prix de vente au consommateur. Or il y a des fabricans honnêtes et sincères qui se trouveraient eux-mêmes fort embarrassés pour fournir exactement le prix qu’il conviendrait d’indiquer dans une exposition, et, je le répète, beaucoup d’industriels continueraient à penser que leur intérêt est sérieusement attaché au secret de leurs transactions. Faut-il parler de ceux qui chercheraient à tromper sur le prix de la marchandise exposée? Comment les dévoiler et les convaincre? Le contrôle ne jaillira pas aussi facilement qu’on le pense de la comparaison des prix; le jury aurait, dans tous les cas, une tâche bien délicate à remplir, et s’il avait à contrôler sérieusement l’exactitude des in-