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de nos industriels? La belle occasion pour eux de dénoncer, comme attentatoire à leurs intérêts, cette faveur passagère accordée à l’étranger, et de convaincre le gouvernement de tendances vers le libre-échange! On n’osa pas heurter de front ces vieux préjugés, et l’on s’arrêta à un moyen terme. Il fut décidé que tous les produits étrangers, même les produits prohibés, pourraient, après la clôture de l’exposition, être introduits en France moyennant un droit maximum de 20 pour 100. Pour assurer l’exécution de cette mesure, on dut installer dans le Palais de l’Industrie une centaine d’agens des douanes, ouvrir un bureau de vérification et d’écritures, etc. Et quel fut le résultat? Une importation représentant une valeur de 2,200,000 francs, sur laquelle a été perçue, à titre de droits de douane, une somme de 333,000 francs! Le prince Napoléon propose avec raison de supprimer à l’avenir ces formalités vexatoires et ridicules. Ce n’est pas l’entrée de quelques échantillons de fils, de tissus ou de porcelaine, qui compromettra le sort de l’industrie nationale et viendra faire concurrence à nos manufactures. Un poste de douane au milieu d’une exposition universelle est une vivante contradiction. On convoque solennellement les œuvres les plus perfectionnées des fabriques étrangères, on les expose aux yeux de tous, on vante, on récompense leur mérite; puis, à un moment donné, on les taxe ou on les achemine vers la frontière avec escorte et sous plombs! C’est là une triste fin. Non-seulement l’introduction très limitée de ces articles ne causerait aucun dommage à nos fabriques, mais encore la mesure d’expulsion dont on les frappe éloigne des modèles dont le public pourrait apprécier l’emploi, et que l’industrie française trouverait souvent profit à s’approprier par une imitation intelligente. Il est donc désirable, à tous les points de vue, que la douane n’ait plus rien à voir dans les futures expositions.

J’ai indiqué plus haut l’opinion exprimée par le prince Napoléon quant à l’influence que doit exercer l’exposition universelle de 1855 sur le régime commercial et économique des peuples, et en particulier de la France. Il est évident que cette influence sera favorable à la liberté du commerce, et qu’elle entraînera la suppression successive des prohibitions et des taxes trop élevées. Je passe à la question des prix de vente. Doit-on interdire l’indication des prix sur les produits exposés, la rendre facultative ou la prescrire comme obligatoire? Le premier mode a été appliqué à Londres en 1851. On l’a généralement blâmé. — Pourquoi, disait-on, empêcher un fabricant de faire connaître le prix des produits qu’il expose et priver ainsi le public d’un élément très essentiel d’appréciation? « Une pareille interdiction était contraire à la moralité commerciale; c’était en quelque sorte faire au public l’aveu brutal qu’on ne voulait ni