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de demander secours au général Bosquet. Le général français s’attendait à cette demande; négligeant l’attaque des Russes de son côté, il avait laissé la division Bouat leur tenir tête sur les crêtes des monts Sapoun, et amenait au pas de course deux bataillons, l’un de zouaves, l’autre de tirailleurs algériens, avec une batterie d’artillerie. Il s’était fait suivre d’un autre bataillon de zouaves, de deux bataillons du 50e de ligne sous les ordres du général d’Autemarre, de quatre escadrons de chasseurs d’Afrique, enfin de cinq bataillons formant la brigade du général de Monnet. Réunissant ses deux premiers bataillons à ceux qui étaient engagés depuis le matin sous les ordres du général Bourbaki, il les lança avec vigueur sur sa droite, et, renversant tout sur son passage, pénétra jusqu’à la batterie des Sacs-à-Terre; mais les Anglais étaient hors d’état de suivre ce mouvement. Lord Raglan avait fait coucher à terre une partie de la 2e division et de la division légère, qu’écrasait le feu de l’artillerie ennemie. Le général Bosquet se trouva donc débordé sur la gauche par les colonnes russes, qui continuaient à pousser les Anglais. Pour se dégager, il fit avancer un bataillon de zouaves qui tomba sur le flanc et la queue de ces colonnes; cette brusque attaque arrêta les Russes.

À ce moment apparaissait la colonne d’Autemarre. Ces troupes, cachées jusque-là par le mouvement du terrain, furent accueillies par un feu des plus vifs de l’artillerie russe. La tête de la colonne, étonnée de ce feu, se rejeta en arrière, mais fut vivement ramenée en avant par ses chefs. Bien qu’elle eût dès lors beaucoup à souffrir du feu des Russes, le général Bosquet la maintint sur ce point dangereux; il comptait sur l’effet moral que devait produire la vue de cette réserve, et cet effet fut décisif. Le général Dannenberg, qui, du haut de la butte des Cosaques, dominait au loin tout le champ de bataille, ne pouvait plus douter de l’insuccès de la diversion confiée au prince Gortchakof. Il voyait déjà sur le terrain, ou à portée, douze bataillons français avec de l’artillerie et de la cavalerie. Il pouvait avoir sur les bras toutes les forces disponibles de l’armée française. Bien qu’il lui restât intacts les seize bataillons des régimens de Butir, Uglitz, Susdal et Wladimir, il se décida à donner le signal de la retraite. Dès lors le mouvement rétrograde des Russes se prononça de plus en plus. Le général Bosquet, ayant reformé ses troupes, les porta de nouveau en avant, et balaya toutes les pentes autour de lui. Les Anglais suivirent, mais lentement. Le général Dannenberg, pour se donner le temps de faire filer son artillerie et les troupes harassées, fit donner pour la première fois les régimens de Susdal et de Wladimir. Ces régimens couvrirent avec vigueur les derniers momens de la retraite. Il était une heure après midi. Le temps s’était éclairci. Les colonnes russes redescendaient les unes