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obscurcissait l’atmosphère, l’artillerie tirait le plus souvent au hasard, les généraux avaient de la peine à distinguer ce qui se passait, même quand un souffle d’air soulevait les flots de fumée appesantis sur le champ de bataille.

Les régimens de Tomsk et de Kolyvan, à la droite, eurent d’abord l’avantage; ils franchirent l’épaulement qui coupait la vieille route, et pénétrèrent jusque dans le camp, où ils se maintinrent pendant quelque temps. A la gauche, les régimens de Borodino et de Taroutino descendirent dans le ravin, et gravirent la pente opposée, que dominait la batterie des Sacs-à-Terre. Les Anglais les attendaient au sommet. Suivant la méthode usitée dans les guerres de la Péninsule, ils les accueillirent par une violente décharge, puis fondirent sur eux à la baïonnette. Toutefois l’élan des profondes colonnes ennemies rompit la ligne anglaise, la batterie fut enlevée, et les régimens russes de Borodino et de Taroutino pénétrèrent, comme ceux de Tomsk et de Kolyvan, jusque dans le camp des Anglais. De leur côté, deux bataillons du régiment de Katharinbourg, encombrés derrière le régiment de Tomsk, firent un à-droite, franchirent le Kilen-Balka, et enlevèrent une batterie d’artillerie que lord Raglan avait envoyée à l’appui de la division légère. Le major Townshend, l’ayant portée trop en avant, n’eut pas le temps de la retirer; il fut tué, les pièces enclouées et précipitées dans le ravin. Il était près de huit heures. La 4e division arrivait sur le champ de bataille, et au centre la brigade Bourbaki, amenée en toute hâte, exécutait une charge à la baïonnette. Les gardes firent en même temps un vigoureux effort; toute la ligne suivit le mouvement, repoussa les Russes et vint occuper sa position première le long des ravins. Les Anglais s’étant arrêtés sur ce point, le combat dégénéra en une simple canonnade.

Toutes les forces disponibles des Anglais se trouvaient alors réunies. Lord Raglan avait sous la main vingt-six régimens anglais et deux bataillons français. La brigade des gardes occupait la batterie des Sacs-à-Terre, puis venaient la 1re brigade (Goldie) de la 4e division, les deux bataillons français, la 2e division; en potence sur le Kilen-Balka, la division légère; plus loin encore, tout à fait au-delà du Kilen-Balka, la 2e brigade (George Campbell) de la 3e division. Cette brigade reliait ainsi l’armée anglaise avec les tranchées qu’occupait la 1er brigade (Eyre) de cette 3e division. La 2e brigade (Torrens) de la 4e division, sous les ordres de sir George Cathcart, avait été laissée en réserve à quelque distance de la brigade des gardes.

Les Russes s’étaient arrêtés de l’autre côté des ravins, où ils se reformaient sous la protection de leur artillerie. Le général Soïmonof avait été tué dès le commencement de l’action; le général Vilbois, qui l’avait remplacé dans le commandement, venait d’être blessé;