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ler critiques, et qui ne sont que des protestations ou des réfutations. L’universalisme ne présente pas un corps de doctrines ; il agite une seule idée, celle du salut éternel. C’est une protestation de l’âme contre la tyrannie de la prédestination calviniste. Les universalistes nient l’éternité des châtimens dans la vie future. Quelques-uns appuient leur doctrine sur le fait de la rédemption. Le Christ a racheté par son sang les péchés de tous les hommes, et par la grâce du Christ, universel rédempteur, tous les hommes seront sauvés. Le châtiment du péché ne peut donc être qu’une expiation temporaire. D’autres, plus hardis, nient obstinément tout châtiment et admettent également le salut pour tous les hommes, saints ou pécheurs. Ils ont trouvé dans le dogme même de la prédestination et dans l’importance exagérée donnée par le protestantisme à l’idée de la grâce la justification de leurs théories. Puisque Dieu est le maître de toutes nos actions, nul homme ne peut pécher sans la volonté de Dieu. Pourquoi Dieu demanderait-il une expiation pour un acte qui a été commis conformément à sa volonté ? Le péché n’existe donc pas en lui-même et n’est que relatif ; il existe pour le corps et périt avec lui, mais il ne peut atteindre l’âme. M. Brownson se laissa séduire par cette doctrine, devint ministre universaliste à l’âge de vingt-deux ans, et rédigea longtemps un journal destiné à servir les intérêts de la secte, the Gospel Advocate and Impartial Investigator. Après avoir exercé quelques années ce ministère, il commença à réfléchir aux conséquences morales de la doctrine qu’il professait. Avec cette doctrine, la vie humaine n’avait plus aucune sanction ; le bien et le mal, le péché et la vertu sont également indifférens et n’ont pas d’existence réelle. Le pis, c’est qu’elle ne repose sur aucun principe. Ces idées sont une conséquence naturelle, rigoureuse et très logique du système panthéiste, qui n’admet pas la personnalité divine et la vie future ; mais elles sont inconciliables avec la doctrine chrétienne, qui reconnaît un Dieu personnel et vivant. Il fallut plusieurs années à M. Brownson pour s’apercevoir que, s’il se croyait encore chrétien, c’était par une honnête erreur de son esprit. Enfin il s’en aperçut et en prit bravement son parti.

Après avoir appliqué son esprit pendant des années à discuter sur la grâce et le péché, l’élection et la prédestination, la clémence divine et l’éternité des châtimens, il en était arrivé à peu près à cette conclusion, que la véritable condition du salut était de mener sur cette terre une vie morale ! C’était bien la peine de dépenser tant de subtilité d’esprit, tant de zèle et tant d’ardeur pour rencontrer ce lieu commun. M. Brownson eut un moment de dépit contre lui-même. Il quitta décidément l’universalisme, il fit imprimer dans le Gospel Advocate une profession de foi à demi ironique, à demi sé-