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Déjà d’habiles cultivateurs ont essayé, ainsi que M. Huzard, de profiter de cette influence des obstacles pour placer la dioscorée nouvelle dans des terrains assez riches, bien qu’offrant un sous-sol impénétrable. Quelques résultats satisfaisans ont été obtenus dans ce sens; d’autres agriculteurs espèrent découvrir des variétés qui seraient exemptes de cette tendance fâcheuse. M. Vilmorin s’est cru récemment autorisé par ses propres expériences à déclarer que la récolte des petits tubercules était plus avantageuse au cultivateur que celle des tubercules plus volumineux. En attendant qu’un succès pratique vienne couronner ces divers efforts, la culture de l’igname pourra continuer à se répandre utilement dans les jardins et même sur des espaces assez étendus, surtout lorsqu’on pourra laisser les rhizomes en place, se réservant de les arracher au fur et à mesure de la consommation. On comprend que dans ce cas, la tranchée une fois ouverte à 80 centimètres ou même 1 mètre de profondeur, l’enlèvement successif des ignames ne nécessitera plus l’emploi simultané de plusieurs personnes pendant un temps prolongé.

On le voit clairement, les deux plantes chinoises qu’on essaie d’introduire en France et en Algérie offrent des propriétés qu’il est intéressant d’examiner, mais dont il est difficile de préciser en ce moment la valeur pratique. Le sorgho surtout est encore trop peu connu chez nous pour que l’on puisse fonder de légitimes espérances sur sa production saccharine, même en Algérie, où ce végétal trouvera cependant des conditions particulièrement favorables, et pourra peut-être un jour servir à l’alimentation de sucreries spéciales. Les conditions économiques de l’emploi du sorgho comme matière première de la fabrication de l’alcool méritent une étude approfondie; il importe de reconnaître si, en présence de la baisse des alcools, qui n’est pas à sa dernière limite, la plante nouvelle pourra être utilement appliquée à relever les grandes distilleries industrielles. On peut, en tout cas, en retirer dès à présent un précieux fourrage. Enfin les amis des sciences et de l’agriculture, tout en n’adoptant pas sans réserve les espérances fondées sur l’acclimatation du sorgho, ne peuvent cependant qu’appeler de tous leurs vœux des recherches nouvelles et des expériences sérieuses sur cette belle plante. L’introduction des végétaux étrangers marchant de pair avec le perfectionnement graduel de nos procédés de culture, c’est là un programme que, dans l’intérêt de l’alimentation publique, on ne saurait trop recommander à l’attention des savans comme au zèle des agriculteurs.


PAYEN.