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avait pas moins gardé son existence et sa place dans le droit public de l’Europe. Il formait, comme on sait, une monarchie élective. La moitié à peu près des pays qui aujourd’hui forment l’empire autrichien (la Bohême, la Moravie, la Silésie, l’archiduché d’Autriche, le Salzbourg, le Tyrol, la Carinthie, la Carniole, Trieste et quelques autres petites provinces) appartenait à l’empire germanique. La maison d’Autriche, qui n’était elle-même qu’une des familles princières de l’empire, n’exerçait sur ces provinces que les droits d’une domination territoriale, essentiellement différens des droits de souveraineté, lesquels n’appartenaient qu’à l’empire et à l’empereur d’Allemagne. Depuis quatre siècles, le choix d’un empereur s’était régulièrement, avec une seule et courte interruption, porté sur le chef de la maison d’Autriche ; mais ce n’en était pas moins une libre élection et non pas un droit acquis. L’archiduc d’Autriche, roi de Bohême[1], était donc, juridiquement parlant, avant 1806, tout aussi peu souverain dans les provinces de l’empire germanique déjà nommées que les comtes de Champagne et de Flandre le furent de leur temps en France. Il était dépendant de l’empire, de la diète siégeant à Ratisbonne et des tribunaux impériaux. Si, par une circonstance fortuite, la dignité élective d’empereur et de souverain se réunissait en lui à sa principauté territoriale et héréditaire, la position politique de ces provinces, leurs relations de droit public n’étaient en rien changées.

Mais outre ces pays que la maison d’Autriche possédait en sa qualité de prince allemand et comme dépendances de l’empire, elle avait encore, sous des titres et rapports totalement distincts, d’autres possessions, le royaume de Hongrie, le grand-duché de Transylvanie et les pays contigus, sans parler des parties de la Pologne qui lui échurent en partage vers la fin du siècle dernier. Ces pays, après l’extinction de leurs dynasties indigènes, menacés par le pouvoir de plus en plus redoutable des Osmanlis, s’étaient vus dans la nécessité de recourir à la protection de leur voisin et de transmettre leurs couronnes au puissant prince allemand qui possédait les vastes contrées qui s’étendent de l’Elbe à la mer Adriatique, et qui en même temps portait, par une sorte de privilège rarement méconnu, la couronne de l’empire germanique, dignité alors généralement regardée comme la première de la chrétienté. Dans ces pays indépendans, l’archiduc d’Autriche jouissait sans contredit de la souveraineté complète qui avait appartenu aux dynasties antérieures, car ce n’était pas à l’empire germanique, mais à la maison d’Autriche que ces pays s’étaient donnés.

  1. La Bohème, malgré son titre de royaume, n’était autre chose qu’un électorat de l’empire.