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en Moravie, en Silésie, les Slaves et les Allemands sont tellement mêlés, qu’il n’existe dans aucune de ces régions distinctes une notable supériorité numérique de l’une des deux races. Il en est de même en Galicie avec les Polonais, la race russe et les Valaques, en Hongrie et en Transylvanie avec les Magyars, les Allemands, les Slaves et les Valaques, en Illyrie avec les Allemands et les Slaves, en Tyrol avec les Allemands et les Italiens. Il est donc de nécessité absolue en Autriche de fonder l’état sur une autre base que celle de la nationalité, et si aujourd’hui une guerre de races mettait l’Autriche en lambeaux, demain il faudrait recommencer à la reconstruire dans son ensemble ou dans ses différentes parties, mais toujours en l’établissant sur l’équilibre des races et sur une égalité de droits politiques assurée à plusieurs nationalités différentes.

Nous ne croyons pas en somme que cet esprit de nationalité, qui dans ce moment tourne tant de têtes, puisse jamais menacer sérieusement l’existence de l’Autriche ; mais nous n’en demeurons pas moins convaincu que cette tendance du siècle présente de grandes difficultés et peut causer des embarras momentanés au gouvernement autrichien, puisqu’elle lui rend hostiles tous ceux qui partagent ces idées, et lui en fait des ennemis avoués ou secrets. La politique autrichienne pourrait être bien plus résolue, bien plus énergique au dedans comme au dehors, si elle n’avait pas tant de susceptibilités à ménager, tant d’égards à observer.

Quelle est donc l’idée qui doit présider à une politique digne du rang qu’occupe l’Autriche dans le système actuel de l’Europe ? Quelques traits de la situation de cet empire depuis 1848 nous aideront peut-être à éclaircir cette question, à montrer de quelles ressources l’Autriche dispose pour faire face à l’une des plus graves difficultés qui pèsent sur sa politique vis-à-vis des autres puissances comme vis-à-vis d’elle-même.


I.

L’empire d’Autriche dans sa forme actuelle est l’un des états les plus récens de l’Europe. La maison d’Autriche existe depuis six siècles, et a pris une part importante à toutes les grandes affaires de notre continent depuis qu’il existe un droit public européen ; mais l’empire d’Autriche ne date réellement que de l’année 1806, où François II, abdiquant sa dignité d’empereur romain et sa souveraineté nominale sur l’Allemagne, mit par cet acte un terme à l’existence de l’empire germanique, et proclama l’empire d’Autriche.

Jusqu’en 1806, l’empire germanique, quoiqu’à peu près entièrement déchu de sa puissance depuis la paix de Westphalie, n’en