Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 15.djvu/149

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lecture des Commentaires et l’étude de la carte ont pu fournir à la discussion actuelle. Devons-nous avouer que tous les argumens empruntés à d’autres sources nous ont peu frappé ? Les avocats de l’Alaise séquane s’appuient de deux textes, l’un où Plutarque laisse entendre[1], et l’autre où Dion Cassius déclare[2] que la bataille qui précéda le blocus d’Alesia fut livrée par Vercingétorix en pleine Séquanie ; mais Plutarque, très bon à consulter sous tant de rapports, ne passe pas pour un modèle d’exactitude en fait de géographie et d’histoire militaire ; dans la phrase même que l’on cite, il tombe dans une erreur évidente en faisant des Séquanes les alliés des conquérans. Quant à Dion Cassius, son assertion est plus positive et doit avoir plus de poids : on lui reproche bien un peu de crédulité ; mais il avait exercé de grands commandemens, il avait servi avec distinction, et rien ne lui manquait pour bien comprendre et raconter les opérations de guerre. Cependant il vivait près de trois siècles après les événemens qui nous occupent, et il ne paraît pas avoir bien connu la géographie de la Gaule ; la façon dont il expose les mouvemens des Romains depuis la levée du siége de Gergovie en est une preuve manifeste[3]. En tous cas, son témoignage ne pourrait être invoqué, nous semble-t-il, que s’il s’agissait d’expliquer un passage obscur des Commentaires. Or, à cet endroit de son récit, César n’avait aucun intérêt à déguiser ou à altérer la vérité ; il ne recherche, ni ne rencontre l’amphibologie ; il est positif et d’une clarté parfaite, nous avons essayé de le démontrer (§ vii), et nous ne sommes pas seul de notre avis. Il n’y a donc pas lieu de le compléter, de l’interpréter ou de le rectifier par des citations tirées d’auteurs plus modernes.

Nous ne croyons pas non plus que les vers du moine Herric et le bréviaire de Flavigny aient ajouté beaucoup de force à l’argumentation si serrée, quoique parfois un peu vive, de M. Rossignol ; mais il ne nous paraît pas moins probable que M. Delacroix n’invoque plus la muse d’Ausone à l’appui de sa thèse. Nous proclamons notre incompétence à juger quelle pouvait être la prononciation celtique du mot Alesia, comme à statuer sur le mérite des étymologies que M. Delacroix attribue à tous les noms de lieux aux environs d’Alaise. Quant aux fouilles qui ont été exécutées à diverses époques sur le Mont-Auxois et aux recherches plus récentes qui ont été faites sur

  1. Vita Cœsaris, c. 26.
  2. L. XL, c. 39.
  3. L. XL, c. 38. En lisant à cette occasion Dion Cassius (pour la première fois, nous devons l’avouer), nous avons relevé une étourderie assez grave, et qui prouve le peu d’importance que cet auteur attachait aux questions ethnographiques. Dans un discours adressé par César à ses lieutenans, il lui fait traiter Arioviste d’Allobroge (Άλλοβριξών). L. xxxviii, c. 43.