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porter réellement à 80 000 le nombre des défenseurs d’Alesia. À ce propos M. Quicherat relève, comme un argument favorable à sa cause, les critiques inspirées par la lecture des Commentaires à Berlinghieri et à Napoléon ; mais encore une fois ces critiques portent sur le récit même de César et non sur l’application de ce récit à tel ou tel emplacement. Est-ce à dire que devant Alise tout ce que nous racontent les Commentaires ait pu s’accomplir facilement, ou que la carte du Mont-Auxois et de ses environs opère sur nous comme une sorte de talisman magique pour dissiper quelques obscurités, lever les doutes, les incertitudes que peut faire naître dans l’esprit la lecture du septième livre de la guerre des Gaules ? Non certes ; mais ici rien, sauf peut-être la dureté du sol, très grande, à ce qu’il paraît, sur les hauteurs, et qui dut y ralentir les travaux, rien ne complique les difficultés inhérentes à l’entreprise elle-même ; rien n’aggrave les apparences d’exagération que l’on peut relever dans quelques parties du récit.

Reconnaissons pourtant que l’expression dont l’immortel historien se sert pour annoncer l’invasion du territoire éduen aussitôt après la prise d’Alesia (in Æduos proficiscitur) semble indiquer qu’un trajet d’une certaine longueur le séparait de cette république, et cependant l’Auxois était une dépendance, au moins une annexe de la confédération éduenne. Ce qui suit, il est vrai, atténue cette objection, car il est clair que César se dirigeait sur Bibracte (Autun), et que là seulement il voulait recevoir la soumission de la tribu ; or, d’Alise à Autun, on peut compter plus d’une marche. En tout cas, la valeur de cette expression ne nous semble pas telle qu’elle puisse faire rejeter tous les autres indices favorables à l’hypothèse d’Alise. Quelques lignes plus bas. César annonce qu’il fit partir Labiénus pour la Séquanie avec deux légions et toute sa cavalerie. Nous ne croyons pas que l’une ou l’autre opinion ait grand parti à tirer de l’envoi de ce détachement. Le proconsul avait failli payer cher, dans cette même campagne, une séparation prématurée de son armée ; il devait profiter de cette leçon. Que les Mandubiens fussent vassaux des Éduens ou des Séquanes, il n’en devait pas moins tenir à garder toute son armée réunie jusqu’à ce qu’il fût entré dans Autun, qui avait été le grand centre d’organisation de la Gaule pendant la dernière phase de l’insurrection. Toutefois, si Alesia était à l’est de la Saône, il serait peu probable que César eût fait repasser ce fleuve à un corps aussi considérable, et qu’il eût fallu la présence de Labiénus, le premier de ses lieutenans, accompagné de toute la cavalerie, pour pacifier la région où aurait été frappé ce grand coup.

Nous voici arrivé au terme de l’examen que nous nous étions proposé de faire : nous n’avons rien épargné au lecteur, et nous espérons avoir exactement réuni et présenté tous les élémens que la