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deure, et reportèrent de ce côté leur ligne de défense sur Querches, les Grandes-Monfordes et les Mouniots ; mais ils ne se renfermèrent pas dans la place, comme le dit César (copias omnes in oppidum recipit), car ils conservèrent leur camp de Chataillon et durent occuper par des postes toute la partie méridionale du massif ; c’est du moins ce qu’il faut conclure du tracé que l’on nous donne de la contrevallation.

Cette ligne aurait, à l’est et au nord, suivi la crête qui domine la rive droite du Lison, depuis Nans jusqu’auprès de Doulaize ; au sud elle aurait passé dans le fond de la vallée dite de Fouré, et à l’ouest dans un vallon qui sépare Camp-Baron et Charfoinge des Querches, des Monfordes et des Mouniots. Ce tracé, partout où il suit les bords du Lison, nous paraît irréprochable ; seulement cette rivière est elle-même un obstacle tel qu’ici le triple fossé et le quinconce de défenses accessoires devenaient un luxe inutile et même dangereux, car pour les établir il fallait reporter le parapet à plus de cent mètres en arrière, et laisser entre cet ouvrage principal et l’escarpement naturel une espèce de terre-plein qui, bien que hérissé de chausse-trapes et de chevaux de frise, donnait à un ennemi vigoureux une chance pour tenter un logement dans cet espace. Aussi MM. Delacroix et Quicherat pensent-ils que, dans les lieux escarpés (prærupta loca), il n’existait qu’un simple parapet. Nous ne pouvons partager cette opinion. César parle bien de la grandeur des retranchemens (magnitudinem munitionum) qu’il avait construits en plaine ; mais ces expressions ne s’appliquent évidemment qu’au relief et non à la nature des ouvrages, car il nous montre les assiégés tentant dans un suprême effort l’escalade des lieux escarpés et s’y heurtant aux mêmes défenses qui régnaient partout ailleurs (turres, fossas, vallum, loricam).

Si dans cette partie de la ligne qui se couvre du Lison, la force même de la position rend contestable l’utilité des travaux décrits par César, nous avouons ne pouvoir comprendre comment il lui aurait été matériellement possible de les exécuter au pied d’un talus aussi raide que celui qui termine le massif au sud et au sud-ouest, ou bien encore sous les rochers que dominait la citadelle d’Alaise. Que l’on regarde un moment la carte, que l’on se figure les travailleurs de l’armée romaine se déployant, pioche en main, auprès du Bief-de-Fouré, sous Querches et les Mouniots, et se préparant à creuser le fossé perdu, qui doit être à plus de cent mètres en avant du parapet futur. Il faut qu’ils s’attachent aux flancs des rochers, des pentes abruptes, et au sommet de ces rochers, de ces pentes, presque au-dessus de leur tête, sont les soldats de Vercingétorix bien armés et bien à couvert ! Comment ceux-ci n’écrasent-ils pas immé-