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aurait campé le même soir sur le Doubs, vers Osselle. Le lendemain, quittant les traces des fuyards qui devaient l’amener en ligne droite sur les hauteurs de Bartherans, d’où il eût découvert les retranchemens des Gaulois, le proconsul aurait incliné à gauche, et serait venu déboucher sur un vaste plateau, situé à l’est d’Alaise et bordé par la Loue, le Lison, et une chahie de collines appelées les Mahauts. Cette marche de flanc semble peu conciliable avec l’ardeur que César avait mise à poursuivre l’ennemi ; elle lui fait inutilement traverser un dédale de précipices ; elle l’amène sur une position, belle il est vrai, mais beaucoup trop étendue pour l’effectif de son armée ; enfin elle aboutit à le placer en face du Lison, c’est-à-dire de la partie la plus inexpugnable du massif occupé par Vercingétorix.

Les Romains campent donc entre les villages d’Amancey et d’Éternoz, ils commencent leurs vingt-trois redoutes ; mais ces ouvrages ne sont pas tournés vers la place : disséminés entre les sources de la Loue et du Lison sur un polygone qui n’a pas moins de soixante-quatre kilomètres de côté, ils enveloppent l’immense plateau dont l’assiégeant n’occupe qu’un coin, et qui effleure à peine le massif d’Alaise. Ainsi placés, ils ne sont d’aucun secours pour assiéger ou bloquer l’armée de Vercingétorix ; ils n’ont d’utilité que pour repousser les attaques de l’ennemi extérieur. Cependant cet ennemi n’existe pas encore. C’est plus tard que l’armée de secours commença à se former ; c’est plus tard encore que César eut connaissance du nouveau danger qui le menaçait, et il ne s’occupa d’y pourvoir qu’après avoir entièrement achevé sa contrevallation. D’ailleurs lui-même fixe avec précision l’objet de ces premiers travaux ; il voulait empêcher toute brusque sortie des assiégeans, et il se sert du mot eruptio comme pour indiquer qu’il se mettait en mesure non-seulement de repousser toute sortie agressive, mais encore de fermer toute issue à Vercingétorix et de le retenir dans le piège où il se croyait sur de le prendre. Alors même qu’on ne tiendrait pas compte de l’assertion formelle des Commentaires, on resterait frappé du péril auquel une pareille dissémination eût exposé l’armée romaine. Avec les armes de jet anciennes, vingt-trois redoutes réparties sur soixante-quatre kilomètres ne pouvaient se donner une mutuelle assistance, et les 50 000 hommes de César eussent été fort embarrassés de les défendre contre une attaque vigoureuse.

Les légionnaires avaient commencé la construction de ces forts détachés (c’est le cas de le dire), lorsque César résolut soit de la suspendre, soit de mener de front une entreprise toute différente, l’attaque de l’armée gauloise, ou du moins de cette portion de l’armée gauloise qui était accessible à ses coups. En effet, M. Delacroix