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Le commandement général qu’ils ambitionnaient, et auquel leur importance leur donnait quelque droit de prétendre, leur est refusé pour être donné au plus digne, à l’Arverne Vercingétorix. Leur jalousie contre les autres tribus reprend alors le dessus. Cette espèce de déchéance les afflige et les irrite ; ils se retournent secrètement vers César, implorent son indulgence, expriment leurs regrets de ne pouvoir encore se séparer ouvertement des révoltés. César n’était pas homme à repousser des ouvertures pareilles. Ces relations durent continuer, et il est fort permis de croire qu’elles eurent quelque influence sur l’inaction d’une grande partie de l’armée gauloise durant la journée qui décida du sort d’Alesia. Dans le spectacle de cette cavalerie qui se comporte si vaillamment un jour, et qui ne prend aucune part au suprême combat, ne voyons-nous pas comme une vivante image de la conduite des Éduens dans toute cette guerre ? Il ne faut pas oublier que Vercassivellaun était Arverne, comme Vercingétorix, et que deux des trois autres généraux de l’armée de secours étaient Éduens. Enfin ce qui ajoute encore quelque vraisemblance à cette conjecture, c’est la prompte et facile soumission de cette tribu, c’est la douceur avec laquelle elle fut traitée par César. Il ne fut pas, il est vrai, plus sévère pour les Arvernes ; mais il n’avait pas à leur reprocher le même manque de foi : d’ailleurs ceux-ci étaient atterrés par le désastre de Vercingétorix ; enfin il devait importer à César de ne pas trop élever des alliés qui l’avaient abandonné dans les momens les plus difficiles, de ne pas trop abattre leurs rivaux ; il pouvait convenir à la politique romaine de pardonner aux Éduens, mais non de les laisser trop puissans.

Si les raisons ne manquent pas pour expliquer la conduite de l’armée de secours pendant les quelques jours qui s’écoulèrent entre son arrivée devant Alesia et sa destruction, il est plus difficile d’en trouver une bonne pour justifier l’emploi que dans ce même temps Vercingétorix fit des 80 000 guerriers enfermés avec lui dans la place. Ce n’était pas une multitude confuse qu’il avait sous ses ordres, c’était une véritable armée, très inférieure aux Romains sans doute en discipline et en tactique, mais brave, aguerrie et depuis plusieurs mois obéissant au même chef. Chaque fois que l’armée de secours fit une tentative, elle trouva les assiégés tout prêts à la seconder, et ceux-ci, dans leur suprême effort, montrèrent, malgré la difficulté des lieux, assez de vigueur pour que César crût devoir leur résister en personne ; mais chaque fois aussi ils se bornèrent à une seule attaque contre les lignes romaines. Or, pour mettre l’oppidum à l’abri d’une surprise, il suffisait assurément d’y laisser 20 000 hommes, et il en restait 60 000 dont Vercingétorix pouvait disposer contre l’assiégeant. Il faut donc admettre ou qu’il aurait engagé sur