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tactique, si des combinaisons qui préparent les succès ou les revers nous passons aux événemens eux-mêmes qui constituent la défaite ou la victoire ; en un mot, si nous entrons dans le détail des actions de guerre des anciens, de leurs batailles et surtout de leurs siéges, le fil conducteur nous manque presqu’entièrement. L’invention de la poudre a introduit un tel changement dans la manière de ranger les troupes, de les faire combattre, et surtout de défendre ou d’attaquer les places et les positions, qu’à chaque instant, lorsqu’on lit les récits d’un écrivain militaire de l’antiquité, on s’arrête malgré soi devant des assertions qu’il semble impossible d’admettre. Si peu qu’on soit initié à la science militaire des modernes, il faut, pour comprendre, faire abstraction de ce que l’on a pu apprendre ailleurs. Sans doute il y a encore de nobles et utiles leçons à trouver dans le spectacle des actions héroïques ou des résolutions promptes et hardies, il y a encore à étudier l’art de créer des ressources, de profiter des circonstances et du terrain ; mais la partie mécanique et scientifique est entièrement changée. De là résulte pour notre esprit, qui doit à la fois et pénétrer le sens du récit et s’affranchir des habitudes auxquelles il est façonné, la nécessité d’un travail double et assez compliqué.

Ces réserves posées, nous essaierons, comme nous l’avons fait dans la première partie, de raconter le blocus d’Alesia, sans nous préoccuper encore de l’emplacement où nous devons chercher sur notre sol les traces de cette ancienne cité.

Nous nous servons à dessein du mot de blocus, bien que celui de siège soit plus généralement adopté. César devant Alesia n’a rien fait de ce qui chez les anciens tenait lieu de nos travaux d’approche ; il n’a employé aucune de ces machines qui jouaient le rôle de notre artillerie ; il n’a pas donné d’assaut. Il voulait enfermer Vercingétorix et son armée, les prendre par famine, repousser toutes les tentatives faites pour les secourir. C’est pour atteindre ce double but, avec un nombre d’hommes relativement restreint, qu’il a exécuté de si vastes travaux. Que l’on compare par exemple le récit de ses opérations devant Bourges[1], ou mieux encore devant Marseille[2], avec le résumé que l’on va lire, et l’on comprendra facilement la différence qu’il y avait entre un siège et un blocus.

La place d’Alesia était située au sommet d’une colline d’accès si difficile qu’elle ne pouvait être enlevée par un coup de main. La base de cette colline était de deux côtés baignée par deux cours d’eau ; devant la place s’étendait une plaine longue de trois mille

  1. B. G., l. VII.
  2. De Bello civili, l. i.