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renouvelés de la lumière sur les flots, nous lisions nos poètes favoris, Klopstock, Schiller, et les pages enthousiastes de Herder. »

Quand elle parut à la cour de Copenhague, à peine sortie de l’enfance, elle y excita l’admiration universelle. L’élégance de sa taille, ces boucles de cheveux blonds caressant son gracieux visage, ces grands yeux bleus profonds et doux comme son âme, cette blancheur si vive qu’on eût dit la neige étincelant au soleil, surtout cette dignité naïve et affectueuse, ce calme et cette pureté parfaite empreinte dans la physionomie, toutes ces beautés que les poètes scandinaves donnent aux vierges du Nord, rassemblées ici chez cette enfant de quinze ans, en faisaient une apparition idéale. Mlle Assing a recueilli maintes preuves touchantes de l’espèce d’éblouissement que la jeune comtesse produisit dans la société de Copenhague, comme aussi de la surprise et même du déplaisir un peu farouche que lui causaient ces hommages. Des divisions de famille assombrirent bientôt ces années printanières. Le comte avec ses prodigalités était en train de se ruiner ; les avis, les reproches, les résistances de la comtesse, tout fut inutile, et il fallut en venir à une séparation. Tandis que le châtelain de Trannkijör continuait sa folle vie et ses dépenses fastueuses, sa femme s’était retirée dans ses domaines du Holstein, emmenant avec elle sa brillante Élisa.

C’était le moment où la défaite de la Prusse à Iéna venait de porter un coup si terrible à l’Allemagne. Danoise de naissance, nous l’avons dit, la jeune comtesse était allemande de cœur. Pendant l’été de 1808, ayant accompagné sa mère aux bains de Nenndorf, en Prusse, elle eut occasion d’y rencontrer des officiers prussiens qui avaient joué un rôle glorieux dans la guerre. Ils étaient vaincus, humiliés, et portaient fièrement leurs blessures ; comment ne pas s’intéresser à eux ? Un de ces officiers, un jeune gentilhomme, M. Adolphe de Lützow, se plaça tout d’abord au premier rang parmi les admirateurs de la comtesse Élisa. M. de Lützow ne brillait pas par l’élévation de l’esprit, ni même par la délicatesse du cœur. C’était une honnête et vulgaire nature ; mais sa bravoure bien connue, le souvenir de ses batailles, la cordialité de ses allures, la franchise toute militaire de sa parole exerçaient un véritable prestige. Qui pourrait reprocher à Élisa d’Ahlefeldt de n’avoir pas deviné à dix-huit ans ce qui manquait au caractère de M. de Lützow ? Naïve, enthousiaste, elle ne voyait en lui que le brillant héros de l’indépendance germanique. Elle se crut aimée, elle aima. Les obstacles mêmes que rencontra son mariage ne firent que l’attacher plus vivement à son fiancé. Sa mère avait agréé la demande de M. de Lützow ; son père, dont il fallut obtenir le consentement, s’obstina longtemps à le refuser. Placé à la tête de la noblesse danoise, ami