Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/742

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne point laisser affaiblir l’équilibre du Nord par une atteinte portée à l’intégrité et à indépendance de la monarchie danoise. Le Danemark s’offre à donner satisfaction aux prétentions et aux intérêts germaniques en ce qu’ils ont de légitime. Chercher à dépasser ces limites et à pousser plus loin sa victoire, ce serait aujourd’hui de la part de l’Allemagne appeler volontairement l’intervention de l’Europe, qui ne demande pas mieux, comme elle l’a prouvé maintes fois en ces derniers temps, que de ne point s’occuper de la question. Il est sans doute encore, au-delà du Rhin des esprits exaltés et violens qui chercheront à compromettre une solution définitive, parce que cette solution ne peut répondre à leurs passions, parce qu’elle ne peut satisfaire leurs idées d’envahissement jusque dans le Slesvig. Les cabinets ne les suivront pas certainement, et la meilleure preuve, c’est que la diète n’a pas prononcé le nom du Slesvig dans les résolutions devenues le point de départ des négociations qui vont s’ouvrir.

Dans ces années fertiles en événemens et en révélations, une fortune singulière a multiplié depuis quelque temps et multiplie encore les publications et les documens, évocations du passé qui restaurent en quelque sorte des époques entières sous nos yeux et sont la lumière du présent. Rien ne peint mieux peut-être notre siècle. Autrefois les papiers d’état et les papiers de famille ne brisaient pas aisément le triple sceau des archives. Il y a des actes du règne de Louis XIV qui n’ont été vraiment connus que de nos jours. Ce n’est qu’au bruit de la [révolution française que les terribles confidences de Saint-Simon ont commencé à se divulguer. Il n’en peut plus être, ainsi aujourd’hui. Depuis que l’opinion a été proclamée la reine du monde, c’est à qui invoquera cette puissance nouvelle, et comme les révolutions se succèdent, comme les régimes viennent l’un après l’autre, il se forme rapidement pour chaque période une sorte de postérité. Laissez passer à peine quelques années après les événemens qui ont rempli la première partie de ce siècle ; les témoignages se presseront, chacun voudra dire ce qu’il a vu et ce qu’il a su. Les négociations les plus cachées n’ont déjà plus rien de mystérieux. Hommes et choses reprennent peu à peu leurs vraies proportions, et nous arrivons ainsi à connaître jusque dans ses moindres détails une époque dont la publicité ne fut pas cependant le ressort principal. M. Thiers, en écrivant sur l’empire, a pu consulter les documens les plus secrets, et il en fait un savant usage. Les lettres de Napoléon et de son frère Joseph ont mis en lumière des traits de caractère ineffaçables et des détails saisissans de l’histoire impériale. À son tour, Marmont est venu récemment jeter dans le monde ses impressions passionnées et trop souvent légères, impressions d’un homme d’esprit et de vanité plus que d’un homme d’état ou d’un homme de guerre. Ce travail de divulgation universelle ne discontinue pas, il se poursuit plus que jamais au contraire, et en ce moment encore vous vous retrouverez en présence des mêmes hommes, des mêmes faits, des mêmes choses prodigieuses, dans la Correspondance de l’Empereur, dont la publication vient de commencer sous l’autorité du gouvernement, dans les Mémoires du Prince Eugène, dont le premier volume a seul paru, comme aussi dans les Mémoires de M. le comte Miot de Mélito, tour à tour ministre, ambassadeur et conseiller d’état pendant la révolution et sous l’empire. Ces derniers Mémoires ne