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à leurs frères l’appui de leur bravoure. Ces montagnards forment la portion la plus laborieuse de la population leucadienne. Dans la plaine, l’activité est beaucoup moins grande. Cependant l’économie générale, la variété des productions, assurent à l’île une aisance relative. Outre l’huile et le vin, qui sont ses principales richesses, Santa-Maura produit le coton, la soie, le lin, le froment, l’orge et l’avoine. On s’y occupe aussi d’élever des bestiaux, sans tirer toutefois aucun parti de cette industrie pour le développement de l’agriculture.

Corfou (l’ancienne Corcyre), qui a pour capitale une ville du même nom, était au temps d’Ulysse gouvernée par l’excellent Alcinoüs, roi des Phéaciens, dont la race, a dans la chaîne des êtres, était immédiatement au-dessous des dieux. » Personne n’a pu oublier l’admirable passage où Homère raconte le naufrage du prudent roi d’Ithaque et son entrevue avec Nausicaa. Aujourd’hui « Schérié et ses champs délicieux » n’ont rien conservé des mœurs patriarcales si admirablement décrites par Homère. Le lord haut-commissaire a remplacé Alcinoüs, chef d’un « peuple moqueur. » Corfou, rade magnifique, possède, outre ce fonctionnaire éminent, une métropole religieuse et une université. En Orient, on ne manque pas de prélats : la Roumanie, la Grèce, la Russie, la Serbie, n’ont rien à envier à l’Espagne et à l’Italie ; mais les universités sont aussi rares qu’elles sont communes dans les pays germaniques. Il est dans l’Europe orientale de grands états qui n’en possèdent pas une seule, d’autres qui n’en ont qu’une vaine apparence. Les Grecs en ont deux : l’une à Athènes, l’autre à Corfou. Je sais que cette dernière ne réalise pas pleinement les vœux des Ioniens ; mais croient-ils que les universités de Salamanque, de Coïmbre, de Naples et de Rome, ne laissent rien à désirer ? Les pays méridionaux ont tous beaucoup à faire pour réveiller dans leur sein leurs, antiques traditions littéraires et pour créer des centres d’instruction supérieure qui puissent être mis sur la même ligne que les établissemens de l’Europe du nord. Les Grecs, j’en suis convaincue, travailleront des premiers à cette renaissance. Je n’en veux d’autre preuve que le zèle avec lequel plusieurs riches négocians corfiotes se sont préoccupés de l’avenir des établissemens d’instruction dans leur pays natal.

Le climat variable de Corfou entretient l’indolence des habitans, qui sont au nombre de soixante mille. En outre, l’île, produisant peu de céréales et de vin, n’a ni robustes vignerons ni énergiques agriculteurs. L’olivier, qui croit presque spontanément, donne des fruits tellement abondans, que les insulaires se préoccupent peu de développer par le travail les ressources de la nature. Les molles habitudes de l’Italie méridionale l’ont emporté ici sur l’activité naturelle