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l’autre. « Le collège des cardinaux, écrivait-il au nouveau pape, a répondu à don Jehan Manuel, mon ambassadeur, qu’à ma contemplation fut faite l’élection de votre sainteté[1]. » Il assurait en avoir eu autant de joie que si elle lui avait été accordée avec l’empire. Pour le mettre en garde contre les avances qui pouvaient lui être faites du côté des Français, il ajoutait : « Je supplie votre sainteté de vous souvenir de ce que vous m’avez dit autrefois, étant votre écolier, et de ce que par expérience je vois être véritable, que leurs paroles sont bonnes et douces, mais qu’à la fin ils ne cherchent qu’à amuser et tromper. »

Adrien n’admit pas qu’il fût pape par la grâce de l’empereur. Il resta affectueux envers son ancien disciple, mais il se montra indépendant du prince dont il cessait d’être le sujet. Il laissait entendre à Charles-Quint qu’il avait dû solliciter en faveur du cardinal[2], qui lui était plus nécessaire que tout autre dans les choses d’Italie, et il s’en félicitait. « Je suis bien joyeux disait-il, de n’être point parvenu à l’élection par vos prières à cause de la pureté et sincérité que les droits divins et humains requièrent en semblables affaires. » Il ajoutait qu’il lui en savait meilleur gré que s’il eût obtenu le pontificat par son influence. Il reconnaissait toujours que les Français, comme il le lui avait appris autrefois, étaient prodigues de promesses qu’ils ne remplissaient pas, et mesuraient leur amitié à leur profit, mais il ne paraissait pas disposé à se déclarer contre eux. Il semblait même annoncer qu’il tiendrait la balance égale entre son compétiteur et lui, en suivant l’exemple des cardinaux, « qui, disait-il, n’eussent jamais osé élire homme mal agréable et à vous et au roi de France. »

François Ier ne demandait pas autre chose. Il exprima à Adrien la confiance qu’il avait en lui. Insistant sur ses devoirs pontificaux en rappelant ses vertus privées, il lui écrivait : « Nous croyons que vous n’oublierez point quel lieu vous occupez, que vous penserez souvent au salut de votre âme, et que cela, avec la bonne vie que vous avez toujours eue, vous gardera d’être partial et entretiendra au chemin de vérité sans acception de personne, et que serez père commun des princes chrétiens, ayant toujours devant les yeux droit, équité, justice[3]. » Il invoquait donc son impartialité, au besoin

  1. Lettre de Charles V à Adrien VI du 7 mars 1522. Correspondanz des Kaisers Karl V, publiée par Karl Lanz, in-8o, Leipzig 1844, t. Ier, p. 59.
  2. « Je savoie qu’il ne convenoit ni à YOS affaires, ni à la république christienne, que sollicitissies pour moy, pour ce que eussies solut et enfraint l’amitié avec cestuy qui de tous estoit le plus nécessaire aux choses de l’Italie. » Lettre du 8 mai, d’Adrien VI à Charles V, ibid., p. 61.
  3. Lettre de François Ier au pape, mss. Béthune, vol. 8527, fol. 1, sqq.