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Elle pouvait même faire perdre les villes si nouvellement acquises de Parme et de Plaisance, bien qu’elles fussent assez attachées au saint-siège, et que le commissaire pontifical Guicciardini gardât la plus importante des deux avec une habileté vigilante.

Sachant Urbin, Pesaro, Camerino, Pérouse perdus, Modène et Reggio menacés, le cardinal de Médicis apprit de plus avec effroi que l’agitation gagnait Sienne et se rapprochait de Florence, où sa famille, après être descendue du saint-siège, pouvait être dépossédée du gouvernement de la république. Il fallait sortir de cet état dangereux[1] en pourvoyant tout de suite à la vacance de la chaire apostolique, Jules de Médicis était dans cette disposition lorsque deux des vieux cardinaux, le cardinal del Monte, évêque d’Albano, et le cardinal Thomas de Vio, de l’ordre des dominicains, célèbres le premier comme profond canoniste, le second comme savant théologien, le conjurèrent de mettre un terme à cette situation aussi compromettante pour le sacré collège que fâcheuse à l’église. Ils lui demandèrent de rendre la liberté à ses amis, en leur permettant de nommer un pape dont l’âge, les mœurs, la doctrine, convinssent aux intérêts du saint-siège et aux besoins de la chrétienté. Le cardinal Jules déclara qu’il était prêt à le faire. Il dit qu’il montrerait son zèle pour l’église en choisissant un personnage bien propre à la servir et à l’honorer, et il ajouta que si les vieux cardinaux ne l’acceptaient point, ils laisseraient voir leur intraitable esprit de contention et l’aveugle malignité de leurs desseins[2]. Il persuada aux siens de porter leurs votes sur un cardinal que recommandaient également son savoir étendu, sa solide piété, sa ferme orthodoxie et son infaillible attachement au parti impérial. Il leur désigna en même temps l’ancien doyen de théologie de Louvain, le Néerlandais Adrien Florisse, qui avait été précepteur de Charles-Quint, que Léon X avait fait cardinal de Tortose, et qui administrait péniblement depuis environ deux années le royaume troublé d’Espagne en qualité de régent. Il n’était jamais venu en Italie, il ne connaissait pas Rome, et bien qu’il exerçât l’autorité monarchique par délégation, il n’avait ni le caractère ni l’habileté nécessaires à la conduite d’un état. Ce qui l’aurait fait exclure en un autre temps le fit agréer alors. Le cardinal de Saint-Sixte, Thomas de Vio, loua sa science profonde,

  1. « Il (le cardinal de Médicis) et les siens couchèrent voye de faire un pape à l’impourveu, doubtant les estatz de Siennes et de Florence, et, sire, s’ils ne l’eussent fait aujourd’huy, avant deux jours ils eussent tout laissé là, car voyant Médicis qu’il ne pouvoit advenir, n’estimoit rien tant que l’estat de Florence, auquel il prétend estre mainctenu. » Dépêche de N. Raince à François Ier, écrite de Rome le 9 janvier à cinq heures de nuit, mss. Béthune, vol. 8500, fol. 86, sqq. — « M. de Médicis a fait seul le pape, et non autre. » N. Raince à François Ier, dépêche du 10 janvier, ibid. , fol. 89.
  2. P. Jovius, Vita Hadriani VI, cap. VIII.