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l’état actuel de la question, pour l’envoi de marchandises à des pays lointains comme l’Australie ou la Californie, l’emploi exclusif de la vapeur est inadmissible au point de vue économique, et cela est si vrai que le Leviathan, cet essai gigantesque dont nous dirons tout à l’heure quelques mots, se propose avant tout le transport des émigrans. Pour d’aussi longues traversées, un steamer est plusieurs fois obligé de renouveler sur la route son approvisionnement de charbon ; de là perte d’argent par le haut prix du combustible en pays étranger, et surtout perte de temps par les relâches et les détours qu’elles imposent, de sorte que la traversée totale du clipper n’est en somme guère plus longue que celle du vapeur[1], tandis que nulle comparaison ne peut être établie entre les deux prix de fret. J’irai plus loin, et je dirai que, lorsque nous verrons à l’œuvre un progrès destiné à se réaliser dans un avenir très prochain, la voile se sera assuré pour de longues années le monopole du transport des marchandises, c’est-à-dire le véritable monopole commercial de la mer, car le mouvement des passagers, si nombreux qu’ils soient, ne sera jamais qu’une faible fraction et comme l’appoint du mouvement des denrées de toute espèce. Le progrès dont je veux parler est l’introduction de la navigation mixte, c’est-à-dire de celle que pratiquent les bâtimens à voiles pourvus d’une hélice, seulement comme moteur auxiliaire. Dans ces navires, la machine, d’une faible puissance, n’occupe qu’un espace restreint, le charbon de même,

    parition du steamer a forcé l’ancien trois-mâts à se régénérer, de même la création des voies ferrées a obligé les administrations de canaux à perfectionner leurs modes de transport, à transformer leur matériel et à le mettre en harmonie avec les divers progrès de l’industrie. C’est ainsi que certains canaux du nord par exemple, sur lesquels l’emploi des remorqueurs à vapeur s’est généralisé, nous offrent un accroissement de mouvement inconnu aux canaux restés fidèles à l’antique bélandre traînée par des chevaux. Voici du reste, pour la dernière période décennale commençant à 1846, la valeur des droits perçus par le gouvernement français sur la navigation intérieure ; on y verra, ainsi que nous l’avons avancé, que la concurrence des chemins de fer, loin d’anéantir la circulation des canaux, ne l’a par le fait en rien diminuée :

    1846 9,144,401 fr. 1852 10,359,563 fr.
    1847 9,678,166 1853 10,683,407
    1848 6,866,236 1854   9,557,488
    1849 8,030,253 1855 10,400,400
    1850 9,224,337 1856 11,008,679
    1851 9,388,144

    Nul doute que cette importante navigation ne prenne un bien autre développement le jour où l’on accordera les réductions de tarifs si impérieusement réclamées par les circonstances actuelles.

  1. Tout dernièrement encore nous avons pu voir en Angleterre, lors de l’envoi des troupes destinées à comprimer l’insurrection de l’Inde, de nombreux paris engagés dans tout le royaume sur les traversées des clippers comparées à celles des vapeurs.