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depuis ces rivages jusque sur les côtes de l’Amérique septentrionale. Or l’intervalle qu’ils ont ainsi parcouru est dix fois plus considérable que celui que les ancêtres des Indiens ont dû traverser.

Les aptitudes physiques et intellectuelles des Indiens, leurs usages, leur culte, leurs idées vont nous apporter de nouvelles preuves de leur origine asiatique. En 1492, Christophe Colomb, à la vue des habitans du pays qu’il venait de découvrir, fut si frappé de leur ressemblance avec les riverains de l’Indus, qu’il les appela les Indiens du Nouveau-Monde. En effet, tout ce qui frappe en eux au premier aspect rappelle la population de l’Hindoustan : cheveux noirs et plats, yeux bruns et transparens, figure ovale, pommettes prononcées, peu ou point de barbe, épiderme fin, doux au toucher, fortement coloré. Ce teint, qui leur a valu le surnom de Peaux-Rouges, est, à la vérité, devenu plus foncé par quelques particularités de leur nouvelle existence, mais il se retrouve chez la plupart des indigènes de l’Asie. L’ensemble de ces traits s’est conservé avec une étonnante identité dans toutes les variétés de la race. Il a résisté aux influences contraires du froid et du chaud, de la disette et de l’abondance. On le reconnaît chez tous les Indiens de l’Amérique du Nord, qu’ils soient bien nourris, grands et robustes, comme les Osages et les Algonquins, ou que, s’alimentant de poissons et de racines, ils aient, comme les Shoshones, une corpulence molle et languissante. Il en faut conclure que les Indiens des États-Unis sont originaires des bords de l’Indus. Comment expliquer cependant que cette population, que nous avons fait embarquer aux rivages du Kamtchatka, fût venue dans l’Asie septentrionale, quittant, pour ces steppes glacés, les vallées délicieuses de l’Hindoustan ? Cette migration du sud au nord n’est-elle pas aussi contraire aux usages des peuples qu’aux instincts de l’espèce humaine ? Puis quelle étendue, de terres à traverser ! que de fleuves, que de montagnes à franchir ! et cela avec la certitude de trouver, non pas un climat meilleur, mais un climat plus rigoureux ! A la vérité, les populations de l’Asie ont été bouleversées par bien des fléaux. Vers le XIe siècle, des conquérans tartares promenèrent dans ces contrées l’épouvante et la dévastation, et chassèrent devant eux les débris des empires disparus. Néanmoins entre le cap oriental de l’Asie septentrionale et les monts Himalaya il y a tant d’espace et de barrières, que cette explication paraît insuffisante. On pourrait sans doute imaginer d’autres hypothèses ; mais, quelque ingénieuses qu’elles fussent, elles prouveraient moins que les rapports physiologiques. On a épuisé les procédés de l’investigation pour établir que les Indiens des deux continens appartiennent à la même race. L’Académie des sciences de Philadelphie, s’armant de microscopes, est allée jusqu’à démontrer que les tiges des cheveux et des poils, qui sont rondes chez les Européens et très ellipsoïdes chez les nègres, sont au contraire constamment ovales chez les Indiens d’Asie et chez ceux d’Amérique. À la suite d’autres expériences non moins minutieuses, il a fallu conclure à la parfaite ressemblance physique de ces deux populations. Sous le rapport intellectuel et moral, la parité n’est pas moins frappante. C’est de part et d’autre l’inexplicable contradiction d’une intelligence très vive chez les individus et d’une absence complète de progrès dans l’espèce. Prenez au hasard un chasseur de ces tribus nomades : vous admirerez non-seulement la