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peine ; mais le commerce ne la suivait dans cette voie qu’à de longs intervalles. Pendant longtemps la seule qualité prisée dans un navire destiné au transport des marchandises fut d’en admettre le plus possible, et l’on sacrifiait par suite presque complètement la marche au tonnage. Les Américains furent les premiers à saisir le vice de cet état de choses, et, comprenant qu’il était aussi important de transporter vite que de transporter beaucoup, ils se mirent à chercher dans quelle proportion ces deux qualités pouvaient être le plus avantageusement réunies sur le même vaisseau. Nos bâtimens de commerce en étaient encore à leurs formes carrées, si contraires à la marche, que, depuis plusieurs années déjà, nos rivaux transatlantiques avaient affiné leurs carènes et notablement accéléré leurs traversées ; mais c’est surtout dans la construction des clippers que se manifestèrent victorieusement tous les avantages que la navigation devait retirer du nouveau système.

Pour concilier la vitesse du navire avec les exigences spéciales du commerce, on avait promptement reconnu la nécessité d’un tonnage considérable ; aussi les anciens trois-mâts de 1,200 tonneaux, si longtemps à la tête de la marine marchande, ne tardèrent-ils pas à être dépassés et supplantés par des clippers de 2,000, 3,000 et même 4,000 tonneaux. Toutefois ce ne furent pas tant ces dimensions inusitées qui éveillèrent l’attention du monde maritime que les vitesses atteintes par ces nouveaux navires, vitesses si extraordinaires que nombre de marins s’y montrèrent d’abord incrédules. Rappelons d’abord ce que nous avons dit plus haut, qu’un sillage de huit à dix milles nautiques par heure était considéré comme une moyenne de marche satisfaisante, et qu’il était rare de voir un bâtiment de commerce dépasser onze milles, même dans de bonnes conditions : que l’on juge de l’étonnement avec lequel les marins durent accueillir l’annonce de vitesses, non-seulement de douze, mais de quatorze, de quinze milles à l’heure, et même plus ! Du reste on ne saurait à cet égard mieux faire que de citer un ou deux exemples, choisis de préférence dans la navigation du Pacifique, l’océan le plus favorable aux grandes traversées : ainsi nous y voyons en mars 1853 le clipper américain Sovereign of the Seas, se rendant des îles Sandwich à New-York, franchir en dix jours une distance de 5,823 kilomètres, et cela dans des conditions désavantageuses, c’est-à-dire privé d’une partie de son équipage et de sa mâture. Dans cette même traversée, en vingt-deux autres jours, il ne parcourt pas

    en 1747, du 84 le Foudroyant, pris en 1758 ; même plus tard, dans les guerres de la révolution et de l’empire, nous les voyons reproduire également la Pomone, prise en 1794, et le Tonnant, resté en leur pouvoir après le combat d’Aboukir. (History of naval architecture, by John Fincham, London, 1851.)