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de tissage qui ne l’était pas moins. Depuis lors, ils n’ont pas amélioré ces deux industries, et n’en ont pas appris de nouvelles. Ils ont vendu par divers traités leurs meilleures terres à la république américaine, et les annuités qu’ils reçoivent sont leurs seuls moyens d’existence. Chose singulière, ils ont sous les yeux le mouvement d’un grand port de commerce et l’activité d’une opulente cité, de nombreuses manufactures, des métiers de tout genre, des jardins remplis de légumes et de fruits, des campagnes couvertes de moissons, en un mot les mille formes du travail et du bien-être qu’il procure, — et ces malheureux, qui sont le plus souvent dépourvus d’habits et d’alimens, regardent avec une indifférence brutale toutes ces occupations fécondes en richesses et en jouissances. Leur insouciance est mêlée de dédain. Il n’en est pas un seul qui exerce un métier, pas un qui sache parler anglais, pas un qui ait voulu fréquenter les écoles que le congrès a tenté d’établir au milieu d’eux. Dans les terres encore considérables qui leur restent, ils n’ont pas une charrue, pas un bœuf, pas un arbre à fruit, pas un melon, ils n’ont que des chevaux et des porcs qu’ils laissent errer dans leurs terres en friche. Leur tribu ne se compose que de 5,015 personnes ; elle possède 5,789 chevaux et 24,142 porcs.

Les Appallachians étaient jadis si considérés, qu’on appela de leur nom les parties les plus méridionales des monts Alléghanys. C’est dans les gorges de ces monts Appallachians que se tiennent les Achalaques. Ils furent visités en 1540 par le chevalier de Soto, qui a décrit leurs mœurs barbares. Ils vivent encore, comme ils vivaient alors, du produit de leurs chasses ; mais la civilisation, qui les resserre de plus en plus, et dont ils repoussent les avantages avec la même obstination que leurs voisins, fait rapidement décroître autour d’eux le nombre des animaux sauvages.

À l’est des Achalaques, plus près de la côte, à peu de distance des ports de la Savannah et de Charleston, on rencontre les Chicoréans. Cette tribu s’étendait jadis jusqu’au rivage, ce qui exposa les Chicoréans, dès l’an 1510, aux tentatives ambitieuses des aventuriers espagnols. Ponce de Léon, gouverneur de Porto-Rico, périt dans un combat qu’il leur livra. La première compagnie qui se forma pour l’exploitation des mines de Saint-Domingue leur tendit un piège odieux : elle équipa trois vaisseaux qui furent conduits en vue de leurs côtes par Luzas Vasquez de Ayllon ; les équipages descendirent à terre, et, en offrant aux Indiens des liqueurs fortes et des objets curieux, les attirèrent en grand nombre sur le pont des navires. Tout à coup les voiles se déploient, on les emmène malgré leurs cris et leur désespoir, on les enchaîne, on les fait travailler aux mines. Cette perfidie n’était que le prélude de bien d’autres.

Le quatrième groupe est celui des Iroquois. Longtemps avant la découverte de Christophe Colomb, ils avaient formé une confédération puissante, et se faisaient redouter dans toute l’Amérique septentrionale. Établis sur les deux versans des monts Alléghanys et autour des grands lacs, ils pouvaient s’étendre à volonté de tous côtés. L’arrivée des Européens mit un terme à leur puissance. C’est sur leurs terres que furent fondées New-York, Boston, Philadelphie, Baltimore, Washington. Forcés d’abandonner cette longue plaine qui s’étend entre la chaîne des Alléghanys et la mer, depuis la Floride