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trésor qui a été pris, on n’a point eu à chercher bien loin : les habitans eux-mêmes se sont prêtés moyennant salaire à cette opération. On eût dit que les Chinois assistaient à des événemens qui leur étaient étrangers, ou dont ils ne comprenaient pas le sens. Quoi qu’il en soit de ces scènes bizarres, si l’on rapproche quelques faits, l’insurrection qui menace toujours le Céleste-Empire, la prise de Canton par les alliés, cette apparition soudaine de la civilisation occidentale, la possibilité d’une intervention plus active de la Russie à une autre extrémité, ne faut-il pas voir dans ces faits le commencement d’une situation d’où peuvent sortir d’étranges événemens ?

Revenons à des événemens d’un ordre plus modeste, à toutes ces affaires quotidiennes dont se compose la vie des peuples. La Hollande, pour sa part, vient de tomber en pleine crise ministérielle. Cette crise ne pouvait être absolument imprévue. Après les échecs réitérés éprouvés par le cabinet de La Haye dans diverses discussions parlementaires relatives aux finances, aux chemins de fer et au traité de commerce avec la Belgique, un autre fait de la même nature était venu plus récemment encore ajouter aux difficultés de la situation créée au cabinet. Le ministre de la justice avait présenté une loi réformant l’organisation judiciaire. Or cette réforme n’a pas été plus heureuse que tous les autres projets du gouvernement; elle a rencontré dans les bureaux de la seconde chambre une opposition décidée, invincible. Tous ces incidens successifs étaient des symptômes trop visibles de l’affaiblissement progressif du cabinet pour qu’on ne dût point s’attendre à une crise prochaine. Le ministre des finances et le ministre de la justice, plus particulièrement atteints par la mauvaise fortune parlementaire, ont pris l’initiative de la retraite, et ils ont offert au roi leur démission. Cette démission n’a point été d’abord acceptée par le roi, qui s’est borné à autoriser les ministres à retirer les projets qu’ils avaient présentés. Cela ne remédiait point cependant à une situation devenue impossible, et c’était ajourner la question plutôt que la résoudre. Les difficultés effectivement n’ont pas tardé à renaître, non dans le parlement, il est vrai, mais dans le sein même du conseil, où se sont élevées des discussions. Il en est résulté que le ministre de la justice et le ministre des finances, M. van der Brugghen et M. Vrolik, ont plus que jamais persisté dans l’intention de quitter le pouvoir, et ils ont été suivis dans leur retraite par les autres membres du cabinet, notamment par M. van Rappard, ministre de l’intérieur, et M. Gevers van Endegeest, ministre des affaires étrangères. Ce cabinet, qui avait triomphé précédemment de très sérieuses difficultés politiques, est venu mourir pour ainsi dire en détail dans des discussions d’une tout autre nature. Il s’agissait dès lors de former un nouveau ministère, et ce n’était point, à ce qu’il paraît, sans difficulté. Bien des combinaisons se sont produites, les unes procédant d’un libéralisme modéré, les autres dans le sens d’un libéralisme plus avancé. La plus sérieuse était celle qui appelait au pouvoir un homme éminent de la Hollande, M. van Rochussen, ancien gouverneur des Indes. Un instant M. de Rochussen a reçu les pouvoirs du roi pour former un cabinet; il s’était assuré le concours de quelques hommes considérables et d’un libéralisme éclairé, tels que M. van Bosse, M. Zuylen van Nyevelt, M. Donker Curtius; mais le roi n’a point d’abord ratifié ces choix, et la crise a continué; de nouveaux essais ont été faits par d’autres personnages, qui n’ont pas eu plus