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Autriche, il publia sur ses voyages des récits d’une valeur inégale, mais qui furent lus et qui méritaient de l’être avec intérêt.

Lorsqu’en 1839 commença cette phase de la question d’Orient qui menaça un moment l’Europe d’une guerre générale, Marmont, qui, depuis son dernier séjour en Égypte, était resté en relations avec Méhémet-Ali et son ministre Boghos-Bey, et qui s’exagérait comme beaucoup d’autres la force de l’établissement égyptien, essaya de s’interposer auprès des cabinets de Vienne et de Paris en faveur du pacha. Ses ouvertures, reçues avec politesse, n’en furent pas moins déclinées comme le sont presque toujours celles des hommes qui, devenus étrangers à la politique active, essaient de s’immiscer dans des affaires dont ils ne peuvent plus connaître que très imparfaitement les ressorts et la portée.

Le temps marchait. Diverses circonstances rendirent peu à peu le séjour de Vienne moins agréable au maréchal. Sur la terre autrichienne, il devait se croire au moins à l’abri de la révolution. Elle vint l’y chercher, et si elle n’y domina pas longtemps, quelques mois lui suffirent pour créer, à bien des égards, un monde nouveau où l’illustre exilé pouvait se trouver encore une fois dépaysé. Sans doute, à cette époque, ses regards se portèrent souvent vers la France, où s’accomplissaient de bien autres catastrophes. Le gouvernement de juillet avait succombé, la république démocratique avait pris sa place, et déjà un vote populaire avait appelé à la gouverner le prince Louis-Napoléon Bonaparte. Chacune de ces péripéties, loin de faciliter au maréchal le retour dans sa patrie, rehaussait en quelque sorte les barrières qui l’en tenaient éloigné. Dans les derniers jours de 1851, il apprit à Venise, où il avait fixé sa résidence, le coup d’état qui n’était pas encore tout à fait le rétablissement de l’empire, mais qui le faisait prévoir et le rendait presque inévitable. Il serait curieux de savoir quelle impression il éprouva en voyant ressusciter après trente-sept années ce gouvernement qui lui rappelait des souvenirs si divers. Il touchait alors au terme de son existence. Peu de mois après, au commencement de 1852, il mourut à l’âge de soixante-dix-huit ans, ayant survécu à tous les autres maréchaux de l’empire, tous d’ailleurs plus âgés que lui.

Ainsi se termina cette vie agitée, si éclatante dans la jeunesse, sauf quelques incidens malheureux, mêlée plus tard des amertumes et des mécomptes les plus cruels, et s’éteignant enfin tristement dans l’exil, l’abandon et l’oubli. Si je ne me trompe, en retraçant, d’après les Mémoires mêmes du maréchal, les traits principaux de sa vie, j’ai suffisamment fait comprendre les causes de ces fortunes diverses dont il fut également l’artisan. L’intelligence, le savoir, les talens, le courage, une certaine générosité naturelle qui le portait vers les grandes choses, lui avaient ouvert la voie des plus