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Déjà découragée par son mouvement de retraite, harcelée par un ennemi plus nombreux et surtout supérieur en cavalerie, la petite armée des comuneros, attaquée à fond dans ces champs que la pluie détrempait depuis le matin, ne tint pas longtemps. Elle prit la fuite en rompant les croix rouges, signes de la comunidad, et en laissant entre les mains des cavalleros victorieux ses chefs, qui avaient bravement, mais inutilement combattu. Le capitaine-général Juan de Padilla, Juan Bravo, capitaine de Ségovie, Francisco Maldonado, capitaine de Salamanque, faits prisonniers à Villalar, furent décapités le lendemain de la bataille, dans le château de Villalva. Ils moururent aussi fièrement qu’ils s’étaient battus[1]; mais leur supplice et la défaite de leur armée jetèrent le découragement et l’épouvante parmi les comuneros. La junte, qui naguère se montrait si absolue dans ses exigences, ne demanda plus rien et se dispersa. Les villes éperdues se soumirent sans condition. Valladolid donna la première l’exemple du retour à l’obéissance. Dueñas, Palencia, Médina del Campo, Ségovie, et la plupart des cités qui exécutaient avec passion les ordres de la junte, reconnurent avec déférence l’autorité des régens. Cette insurrection si bien concertée, et, peu de temps auparavant, si terrible et si intraitable, un seul revers suffit pour dissiper l’assemblée de ses députés, détruire l’armée de ses défenseurs, soumettre les habitans de ses villes. Du champ de bataille de Villalar, où fut ensevelie l’indépendance de la Castille, s’éleva et s’étendit la puissance absolue de Charles-Quint.

Tolède seule, où s’était jeté le belliqueux évêque de Zamora, et où Marie Pacheco, l’héroïque veuve de Juan de Padilla, exalta les courages et entretint la rébellion, ne fléchit point. L’armée victorieuse des cavalleros allait marcher contre cette ville, lorsque Lesparre arriva sur la frontière d’Espagne avec sa petite armée. Il pénétra aisément dans la Navarre, mal défendue. Il prit Saint-Jean-Pied-de-Port sans tirer un coup d’arquebuse. Franchissant ensuite les Pyrénées, il s’empara du château del Peñon et s’avança vers Pampelune. A son arrivée, les Navarrais, dont les affections étaient encore tournées vers leurs anciens maîtres, firent éclater leur joie. Non-seulement les Gramont, qui formaient le parti français, mais la plupart des Beaumont, qui étaient dans le parti contraire, allèrent le recevoir et le saluer comme le bienvenu. Pampelune se souleva à son approche. Le peu de soldats espagnols qui y restaient encore furent exterminés, et le duc de Najera, contraint de fuir sa vice-royauté, se rendit en Castille pour demander aux régens victorieux une assistance semblable à celle qu’il leur avait naguère accordée.

  1. Sandoval, lib. IX, § XV à XXII. — Historia ciel Levamiento, c. X, p. 235 à 257.