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Le connétable et l’amiral signifièrent aux villes les pouvoirs dont ils étaient investis, levèrent des troupes, appelèrent auprès d’eux les grands et les cavalleros, et fixèrent dans Médina de Rio-Seco, qui appartenait à don Fadrique Henriquez et qui n’était pas située loin de Valladolid, le siège du gouvernement royal et le rendez-vous de leur armée. Cette armée se grossit peu à peu des contingens qu’y amenèrent les chefs des grandes familles castillanes; elle fut bientôt en état de tenir la campagne contre l’armée, longtemps plus forte, des comuneros. Avant de poursuivre la guerre avec vigueur, le connétable et l’amiral avaient essayé des négociations. Ils avaient d’abord cherché à détacher de la comunidad, par des traités rassurans et avantageux, les deux importantes villes de Burgos et de Valladolid, où ils avaient leur habitation et un parti. Moitié à l’aide de ses concessions, moitié au moyen de la force, le connétable était parvenu à rétablir l’autorité royale dans Burgos; mais l’amiral avait échoué auprès de Valladolid[1]. Les négociations générales engagées avec la junte insurrectionnelle avaient encore moins réussi. Les régens offraient, outre une complète amnistie, d’adopter eux-mêmes et de faire accepter par le roi la plupart des articles qu’avait votés l’assemblée des comunidades, en leur enlevant toutefois ce qu’ils avaient d’excessif dans les dispositions et de trop impérieux dans la forme. Tels qu’ils les agréaient et qu’ils promettaient de les soumettre à l’assentiment du roi, ils auraient suffi à affermir, en les accroissant, les vieilles libertés de la Castille. Ils auraient rendu les impôts arbitraires impossibles, la convocation des cortès régulière, l’autorité royale limitée par les lois, la justice à ses divers degrés circonspecte et équitable[2]. Conformes à l’intérêt de la noblesse autant qu’à celui des communes, ils avaient le grand avantage de faire cesser la guerre entre les deux classes, et de les unir dans le même vœu pour forcer la couronne, qui ne pouvait plus s’appuyer que sur les grands contre le peuple, à reconnaître et à respecter des droits plus définis et mieux défendus. Un pareil accord aurait changé les destinées de l’Espagne et affaibli en Europe la puissance de son roi, qui aurait été obligé de compter avec ses libres sujets au lieu de disposer de leurs forces, comme il le voulut lorsqu’il eut discipliné la noblesse à l’obéissance après s’être servi des armes de la noblesse pour assujettir les communes. Cet utile accord fut malheureusement repoussé par la junte des comuneros, qui, dans sa passion et ses exigences, demanda l’adoption pure et simple de tous les articles qu’elle avait dressés, qui seraient recon-

  1. Sandoval, lib. VII, § V à X.
  2. Sandoval, lib. IX, § IV et XVI.