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un lieu élevé et découvert. Là, pendant huit jours, se poursuivirent à pied et à cheval, à la lance et à l’épée, des joutes auxquelles prirent part les plus habiles hommes d’armes de France et d’Angleterre. Les deux rois qui les dirigeaient y déployèrent, sans combattre ensemble, l’un sa brillante dextérité, l’autre sa force athlétique. François Ier, qui excellait dans les exercices chevaleresques, rompit ses lances avec une régularité accomplie; Henri VIII, dont l’impétuosité était irrésistible, atteignit si violemment de la sienne le casque de son antagoniste à la seconde rencontre, qu’il l’abattit de cheval et le mit hors d’état de fournir ses autres courses[1]. Ce fut surtout en tirant de l’arc que Henri VIII, l’un des meilleurs archers de son royaume, se fit remarquer par la vigueur du jet et la justesse du coup[2]. Il aurait également voulu montrer sa supériorité en luttant corps à corps avec François Ier. Les lutteurs anglais l’avaient emporté sur les lutteurs français, parce qu’on avait négligé de faire venir des Bretons, que nuls ne surpassaient dans ces sortes de joutes. Le soir, Henri VIII, espérant compléter la victoire des siens par un facile triomphe, s’approcha de François Ier, et lui dit brusquement : « Mon frère, je veux lutter avec vous. » En même temps il le saisit de ses fortes mains et chercha à le renverser; mais François Ier, très exercé à la lutte et doué de plus d’adresse, lui donna un tour de jambe, lui fit perdre l’équilibre et l’abattit tout à plat. Henri VIII se releva rouge de confusion et de violence, demandant à recommencer. Le souper qui était prêt et les reines qui s’interposèrent prévinrent cette dangereuse épreuve, plus propre à éloigner les deux rois par les blessures de la vanité que n’avaient pu les rapprocher les récentes intimités de leur longue entrevue.

Après vingt-cinq jours passés ensemble au milieu des fêtes et des plaisirs, François Ier et Henri VIII se séparèrent, cordialement unis en apparence. François Ier ne s’était pas assuré la coopération armée d’Henri VIII, mais il croyait avoir acquis son amitié intéressée et dès lors fidèle. Il l’avait achetée par une forte somme annuelle, qui, sous une forme déguisée, était un véritable subside. Il se flattait donc que si le roi d’Angleterre ne se déclarait pas pour lui dans la querelle près de s’ouvrir, au moins il n’embrasserait pas la cause de l’empereur, son adversaire.

Cependant à peine Henri VIII avait-il quitté François Ier, qu’il était allé à Gravelines, où l’attendait Charles-Quint. Après avoir reçu la visite du roi son oncle dans les Pays-Bas, l’empereur l’avait accompagné à Calais[3]. Là s’était conclu entre eux un nouveau

  1. Hall, p. 612 à 614.
  2. Mémoires de Fleurange, p. 352.
  3. Hall, p. 621.