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d’être les libres représentans de leurs vœux, seraient les exécuteurs obéissans de ses volontés; mais ils ne furent pas nommés. Avant qu’ils pussent l’être, l’assemblée mutilée et contrainte des cortès, que Charles-Quint avait transférée à La Corogne, vota un subside de 200 millions de maravédis, sans que les procuradores de Salamanque, de Toro, de Madrid, de Murcie, de Cordoue, de Tolède, prissent part à cette décision, que repoussa l’un des deux députés de Léon[1].

Loin d’obéir aux injonctions de l’empereur, la ville de Tolède était entrée en pleine révolte. Le peuple insurgé y avait mis à sa tête le député exilé don Pedro Laso de la Vega, ainsi que le fier et entreprenant don Juan de Padilla, fils du grand-commandeur de Léon; il s’était emparé des ponts fortifiés sur le Tage et de l’Alcazar, dont il avait chassé le gouverneur; il avait proposé aux autres cités son exemple, que devaient suivre bientôt Ségovie, Médina, Burgos, Salamanque, Avila, Toro, Cuença, Madrid, Zamora, et presque toutes les communes de Castille. Cette dangereuse rébellion fut connue à La Corogne le 8 mai[2]. Pour l’empêcher de s’étendre, les plus hardis conseillers de Charles-Quint étaient d’avis qu’il devait se rendre sans délai devant Tolède, y ramener la soumission par sa présence ou par la force, punir exemplairement les chefs de la sédition, et apaiser le trouble dans le royaume en y inspirant la crainte. Chièvres ne partagea point ce sentiment; il pensa qu’il ne serait pas facile de soumettre une ville comme Tolède avec le peu de troupes qu’avait en ce moment l’empereur. La probabilité d’autres soulèvemens, la peur d’exposer sa personne en rentrant dans le cœur de la Castille, le désir de quitter un pays où il s’était enrichi et où il était universellement détesté, enfin la nécessité qui pressait Charles-Quint d’aller prendre possession de la couronne impériale et de prévenir par une conférence avec Henri VIII l’entrevue que le roi d’Angleterre devait avoir avec François Ier, le firent opiner pour un prompt départ. Charles-Quint lui-même, tenant moins compte de son autorité en Espagne que de sa politique en Europe, voulut se rendre en Angleterre. Il croyait que les mouvemens de la Castille se calmeraient pendant son absence, tandis qu’il ne retrouverait plus l’alliance d’Henri VIII, s’il perdait l’occasion de s’en assurer.

Aussi, les vents contraires l’empêchant de sortir de La Corogne à l’époque convenue, il s’adressa avec anxiété au cardinal Wolsey pour que Henri VIII lui accordât encore un peu de temps. « Il me

  1. Sandoval, lib. V, § IX à XXXVII, et Historia del levamiento de las comunidades de Castilla, etc., cap. II, p. 20 à 47.
  2. Ibid. et dépêche de La Roche-Beaucourt à François Ier, écrite de La Corogne le 14 mai 1520; mss. Béthune, vol. 8612, fol. 228 et suiv.