Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/270

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

brai et à Fribourg, lorsque l’empereur et les treize cantons suisses y avaient conclu la paix[1] et la ligue perpétuelle[2] avec François Ier. Peu de temps après, le traité de Londres[3] avait rapproché les deux rois. François Ier avait acquis l’amitié fort peu désintéressée d’Henri VIII, et, ne pouvant pas lui céder des provinces, il lui avait donné de l’argent. Il avait acheté l’avide monarque et son ministre Wolsey, non moins avide que lui, le premier par la somme de 600,000 couronnes[4], qui vaudrait plus de 30 millions aujourd’hui, le second par une pension de 12,000 livres. Afin de s’attacher encore mieux le puissant ministre qui disposait des sentimens de son maître aussi bien qu’il dirigeait ses affaires, il lui avait fait espérer la tiare. « Le roi très chrétien m’a chargé de vous écrire, mandait au cardinal d’York sir Thomas Boleyn, que si vous aspiriez au saint-siège, il pouvait vous assurer quatorze cardinaux. Des deux partis qui sont en présence, les Colonna et les Orsini, il vous donnera les Orsini... Il est convaincu que le roi d’Angleterre et lui ne font qu’un, et que nul ne peut être empereur ni pape, si cela ne leur plaît à tous deux[5]. » En même temps qu’il croyait gagner l’ambitieux Wolsey par la perspective du pontificat, il comptait resserrer ses liens avec Henri VIII, en convenant d’un mariage entre la fille unique de ce prince et le dauphin de France.

Le traité conclu avec le roi d’Angleterre ferait-il de lui un allié fidèle de François Ier? Les sentimens d’Henri VIII se manifestèrent dans leur duplicité lors de l’élection à l’empire. Pressé par son neveu le roi catholique et par son futur beau-frère le roi très chrétien d’appuyer leur candidature en Allemagne, il le promit à tous deux[6], puis il songea à se faire élire lui-même; mais sa prétention étant trop tardive et l’achat des électeurs devant lui être trop coûteux, il y renonça[7]. Il laissa croire à chacun des compétiteurs qu’il s’était déclaré pour lui, quoique au fond il n’en eût secondé aucun. Toutefois son penchant, conforme à son intérêt, lui avait rendu le succès de Charles-Quint préférable à celui de François Ier[8].

Après l’élection, les deux rivaux en Allemagne, près d’en venir aux

  1. Par les traités de Bruxelles du 3 décembre 1516 et de Cambrai du 11 mars 1517.
  2. Traité du 29 novembre 1516.
  3. Du 4 octobre 1518. Rymer, Fœdera, t. VI.
  4. Ibid. Il rentrait en possession de Tournai, Saint-Amand et Mortagne.
  5. Dépêche du 14 mars 1519, dans le 87e volume de Bréquigny, mss. de la Bibliothèque impériale.
  6. Lettres de Th. Boleyn du 14 mars 1519 à Henri VIII, et du 25 mars à Wolsey; dans Ellis, orig. Lett., 1er série, t. Ier, p. 146 et 151. — Lettre de Th. Boleyn à Wolsey du 14 août 1519, dans Bréquigny, vol. 87.
  7. Pace à Wolsey, 11 août 1519, State Papers, t. Ier, p. 8.
  8. Pace à Wolsey, lettre du 27 juillet 1519, dans Ellis, t. Ier, 1re série, p. 157.