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cord du roi et du pape. Léon X et François Ier devaient s’emparer en commun du royaume de Naples, dont une moitié reviendrait au saint-siège, et dont l’autre moitié serait donnée à un fils puîné de François Ier. Afin de faciliter cette conquête, le roi se chargeait de mettre au service du pape six mille Suisses qu’il solderait lui-même, et de faire agréer aux Vénitiens l’arrangement convenu[1].

Mais Charles-Quint avait tenté le mobile et avide pontife par l’appât d’avantages bien plus séduisans et bien plus faciles à acquérir. Il n’était pas aisé de prendre le royaume de Naples, et il n’aurait pas été habile de le partager. Si le saint-siège entrait en possession d’une partie du territoire napolitain, l’autre partie serait placée sous la domination de la France, et, quoique agrandi, l’état ecclésiastique se trouverait pressé, des deux côtés de la péninsule, par la même puissance. Au lieu d’une conquête aussi incertaine et d’un partage aussi dangereux, Léon X reçut de l’empereur des offres bien capables de le détacher du roi de France. Charles-Quint lui proposa la restitution des deux duchés de Parme et de Plaisance, objets de ses incessantes convoitises. Il s’engagea de plus à établir dans la Lombardie milanaise un duc italien de la maison Sforza, auquel il en donnerait l’investiture. Une semblable perspective, qui ne laisserait que des princes nationaux depuis les frontières de Naples jusqu’au revers des Alpes, souriait à Léon X. D’ailleurs, après avoir acquis le duché d’Urbin avec l’aide de François Ier, il ne demandait pas mieux que d’acquérir par l’assistance de Charles-Quint les duchés de Parme et de Plaisance. Ambitieux sans retenue et négociateur sans foi, il portait dans ses projets d’agrandissement aussi peu de scrupule qu’Alexandre VI et autant d’ardeur que Jules II. Il conclut bientôt un traité particulier avec Charles-Quint pour expulser François Ier du duché de Milan et de la seigneurie de Gênes, comme il en avait conclu un avec François Ier pour enlever à Charles-Quint le royaume de Naples, et il devint l’allié secret du premier tout en restant l’allié apparent du second. Il attendit l’occasion de se déclarer et d’assaillir avec avantage celui dont il était déjà l’adversaire, et dont il se disait encore l’ami.


III.

François Ier qui perdait ainsi, sans le savoir, l’alliance de Léon X, conserverait-il mieux l’alliance d’Henri VIII? Celle-ci était pour lui plus importante encore, car si l’inimitié du pape était dangereuse

  1. Guicciardini, Istoria d’ Italia, lib. XIV. — Lettres écrites de Rome par le secrétaire Breton et par le comte de Carpi au roi pendant le mois de mai 1521, dans Béthune, mss., vol. 8617, fol. 12 à 52. — Mémoires de Du Bellay, p. 295 et 334.