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commerce. Le gouvernement s’est défendu sur tous ces points, mais il n’a pas réussi à désarmer l’opposition. Au jour fixé pour la discussion publique, la seconde chambre a préféré examiner la question en comité, sans doute pour éviter les inconvéniens d’un tel débat en matière de relations internationales. La discussion a été vive, à ce qu’il paraît, et s’est terminée par un vote négatif. Le traité avec la Belgique a été repoussé presque unanimement; il n’a obtenu qu’une voix en sa faveur. Ce résultat, on le conçoit, a singulièrement embarrassé le gouvernement. Le cabinet actuel quittera-t-il le pouvoir à la suite de ces petits échecs, dont le dernier est le plus grave? Il en a, dit-on, manifesté l’intention; quelques-uns des ministres au moins inclinent à se retirer. Rien n’est encore décidé cependant, et la question reste en suspens.

Un des pays les plus éprouvés du monde aujourd’hui, c’est certainement le Mexique, et si ce spectacle des révolutions américaines n’a rien de particulièrement nouveau, il n’est pas moins bizarre et moins curieux à suivre. Que manque-t-il au Mexique? Dictatures rivales, scènes de guerre civile, coups d’état impuissans, soulèvemens de toutes les provinces, interruption de toute vie régulière, ce sont là, au premier aspect, les traits les plus reconnaissables d’une situation dont de violentes recrudescences attestent de temps à autre la gravité croissante. Depuis quelques mois déjà, tout se préparait pour une crise qui vient enfin d’éclater, si tant est qu’elle ait jamais cessé, et que les événemens d’aujourd’hui ne soient pas la plus simple conséquence des événemens d’hier. M. Ignacio Comonfort, président pendant ces dernières années, dictateur depuis quelques jours, a été vulgairement renversé comme tous ses prédécesseurs; il a eu le temps d’aller s’embarquer sain et sauf pour la Nouvelle-Orléans, et le pouvoir est à qui pourra le prendre à Mexico. On a vu poindre et se dérouler cette crise. Il y a plus de deux ans, le Mexique faisait une révolution démocratique, et cette révolution a produit ses résultats naturels, une constitution anarchique, des lois violentes, un congrès animé du plus pur esprit démagogique. Lorsque le Mexique s’est vu enfin, non sans peine, en possession de cette organisation nouvelle, le président, M. Comonfort, qui était d’ailleurs assiégé de difficultés de toute sorte, s’est dit vraisemblablement que la constitution et le congrès étaient des rouages inutiles, qui seraient pour lui un embarras encore plus qu’une ressource, et il a fait un coup d’état. Secondé par les troupes réunies autour de lui, aidé par un chef militaire, le général Zuloaga, M. Comonfort a publié un plan qui s’est appelé le plan de Tacubaya. Il a supprimé la constitution, dissous le congrès en promettant la convocation d’un congrès nouveau et une constitution meilleure. En attendant, et c’était là l’essentiel, le plan de Tacubaya accordait au président tous les pouvoirs, toutes les facultés imaginables, excepté, à ce qu’il paraît, le pouvoir de triompher d’une situation impossible. Le président mexicain n’a point vu que, s’il lui était difficile de vivre avec la constitution et le congrès tels qu’ils étaient, il pourrait encore moins vivre sans eux. C’est ce qui n’a point tardé à devenir évident. Les villes, les divers états du Mexique se sont prononcés contre l’acte de Tacubaya, non certes par amour de la constitution, mais par ce sentiment de malaise qui fait qu’on se soulève à tout propos.