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honneur et nos intérêts là où ils nous appellent, à porter nos forces et nos sacrifices partout où nous entraîne la concurrence des nations rivales? Il y aurait d’ailleurs, dans une colonie asiatique, de puissans élémens de prospérité qui compenseraient tôt ou tard une partie au moins de nos sacrifices. Le sol de cette région est généralement fertile, et sous une administration bien réglée il fournirait aux échanges d’abondans produits. On n’aurait pas à vaincre la grande difficulté qui arrête d’ordinaire, comme nous en voyons un exemple en Algérie, le début de la colonisation, à savoir la difficulté du peuplement; lors même que l’on s’établirait sur un point où la population serait insuffisante, il suffirait du moindre appel pour attirer l’émigration chinoise. Une colonie favoriserait notre commerce lointain et donnerait quelque activité à notre marine marchande. Ces avantages valent bien la peine d’être pesés, indépendamment des motifs politiques qui justifieraient la réapparition de la France en Asie. L’occasion semble propice. Le traité de commerce conclu avec le royaume de Siam en 1856, la tentative faite la même année pour ouvrir des rapports réguliers avec la Cochinchine, l’expédition de Chine, à laquelle notre escadre prend une brillante part, tout annonce que le gouvernement veut rendre à la France, dans ces parages éloignés, un rôle digne d’elle. Trop longtemps nous nous sommes contentés de protéger en Chine le catholicisme, comme il convient à la nation qui s’intitule fille aînée de l’église. C’est une noble tâche que nous serons fiers de continuer. Joignons-y cependant quelque souci de notre influence politique et de nos intérêts matériels. L’appui que nous prêtons aux chrétiens n’en sera que plus efficace, et la France réparera peut-être dans l’extrême Orient la perte, si amèrement regrettée, de son ancienne puissance dans l’Inde.


C. LAVOLLEE.