Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/970

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pourraient s’employer avec fruit et s’emploient vraisemblablement, pour ne point voir ce différend devenir, malgré toutes les volontés, une affaire européenne.

Tous les conflits diplomatiques ne sont pas en Allemagne. Il en est un qu’on a pu voir poindre en Italie, et qui semble en ces derniers temps avoir pris assez de gravité pour jeter quelques nuages dans les rapports entre le Piémont et Naples. Ce démêlé nouveau est une suite de cette triste expédition dirigée, il y a quelques mois, contre les côtes napolitaines et accomplie à l’aide du bateau à vapeur sarde le Cagliari, tombé au pouvoir des insurgés, et détourné de sa destination pacifique. Le procès relatif à cette insurrection se juge aujourd’hui à Naples. D’un autre côté, le Cagliari, capturé dans le premier moment par les forces navales napolitaines, a été séquestré d’abord, puis déclaré de bonne prise. Le capitaine lui-même, bien que n’ayant point agi de sa propre volonté, a été jeté en prison et soumis à une instruction, judiciaire aussi bien que l’équipage, d’origine sarde. Le cabinet de Turin a réclamé au premier instant ; mais à cette réclamation le gouvernement napolitain a opposé les prérogatives de la justice, saisie de l’affaire. La déclaration de bonne prise prononcée contre le Cagliari, de même que la détention prolongée du capitaine et de l’équipage, ont dû exciter plus vivement l’attention du gouvernement piémontais, qui à son tour a soumis tous ces faits à un conseil du contentieux diplomatique, créé il y a quelque temps à Turin, et alors cet incident s’est montré sous un nouveau jour. Il soulevait une question de droit des plus graves.

Le gouvernement napolitain pouvait-il mettre la main sur le Cagliari en dehors des eaux soumises à sa juridiction ? Était-il fondé à s’emparer du capitaine et de l’équipage et à les retenir prisonniers ? Le Cagliari a été pris en pleine mer ; or là il ne pouvait être capturé que dans le cas de piraterie ou dans le cas de guerre. Pirate, le navire ne l’était point assurément ; sa nationalité était constatée, le capitaine était muni de tous les papiers réguliers ; il avait une mission toute simple, dont il a été momentanément détourné par surprise. Comment, d’un autre côté, pourrait-il être considéré comme étant une prise de guerre ? Il appartenait à une nation amie, il n’avait ni armes, ni munitions, ni troupes ; il faisait uniquement un service de correspondance entre Gênes et Tunis. Victime de la violence de quelques insurgés, il ne pouvait être exposé en même temps aux représailles du gouvernement napolitain. Le conseil du contentieux diplomatique sarde s’est nettement prononcé sur tous ces points, et le cabinet de Turin a dû transmettre à Naples des réclamations plus formelles, tendant à obtenir la restitution immédiate du Cagliari aussi bien que la mise en liberté du capitaine et de l’équipage. La question devient donc plus pressante, d’autant plus que dans les termes où elle se pose elle n’admet pas les objections qui ont déjà motivé l’ajournement d’une solution. Est-ce à dire qu’il en doive résulter une rupture diplomatique, même dans le cas où le cabinet napolitain ne prendrait pas en considération la demande qui lui est adressée ? Tout est possible sans doute, mais tout n’est pas probable heureusement, et ne fussent-ils pas d’accord dans leurs négociations directes, le Piémont et le roi de Naples ont encore d’autres moyens de mettre fin à une question née d’un hasard, faite pour disparaître avec la circonstance qui l’a produite. Pour le Piémont comme