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de ceux qui ne veulent du bill à aucun prix aussi bien que contre l’opposition de ceux qui, tout en trouvant juste et politique d’attester leur sympathie pour la France, ne tiennent nullement à manifester les mêmes sentimens à l’égard du chef du ministère. M. Disraeli, ce nous semble, a été au nombre de ces derniers. Au fond, toute susceptibilité écartée, ce qui paraît avoir dominé dans cette discussion, c’est le désir de ne point porter atteinte légèrement à une alliance comme celle qui existe entre la France et l’Angleterre. C’est ce qui a valu au bill de lord Palmerston la majorité qu’il a obtenue à une première lecture, et s’il triomphe de toutes les épreuves du scrutin, c’est encore ce qui aura garanti son succès. Les esprits politiques qui aiment cette alliance des deux côtés du détroit se détournent de ces froissemens passagers, et voient les armes des deux pays se mêler une fois de plus au fond de l’Orient dans la récente attaque de Canton.

Les événemens contemporains passent comme les événemens d’autrefois ont passé, et quand on en vient à les regarder de plus près, que reste-t-il bientôt ? Un exemple de plus, une page nouvelle qui s’ajoute à tant d’autres dans cette histoire successive des peuples où l’on voit les passions des hommes, les caractères, les idées, les intérêts lutter, se débattre et se manifester sous toutes les formes à travers les péripéties de la vie publique. Tout ce qui existe aujourd’hui en Angleterre se rattache par mille liens au passé ; ce qui a maintenant un caractère de solidité inébranlable a eu ses périodes d’épreuves, et s’est affermi dans les crises de la révolution de 1688 et de l’avènement du prince d’Orange. C’est ce qui donne toujours un si singulier intérêt à cette époque transitoire et difficile que M. Macaulay a fait revivre dans un livre d’une ferme et lumineuse éloquence. Par malheur la traduction qu’on vient de faire en France de la seconde partie de l’ouvrage de M. Macaulay, c’est-à-dire de l’Histoire du règne de Guillaume III, cette traduction est d’une exécution matérielle des plus médiocres ; elle est pleine de fautes et d’inadvertances. N’importe, l’histoire garde son éloquence, et le livre de l’historien anglais n’est pas moins l’œuvre d’une des plus éminentes intelligences. Ces deux faits qu’il a racontés, la révolution de 1688 et le règne de Guillaume III, se complètent, s’éclairent mutuellement ; ils montrent comment une révolution peut être à l’origine et demeurer un grand acte de conservation, et surtout comment un gouvernement se fonde. Ce n’était pas tout de franchir ce pas difficile d’une crise dynastique. La révolution qui dépouillait Jacques II était un dénoûment sous certains rapports, et à d’autres égards elle n’était que le commencement d’un drame nouveau dont Guillaume d’Orange est le froid et taciturne héros, d’un drame plein de luttes et d’émotion.

Qu’on se représente en effet cette situation nouvelle, si supérieurement décrite par M. Macaulay : beaucoup de tories s’étaient alliés avec les whigs pour défendre les libertés anglaises et le protestantisme qu’ils croyaient en péril ; mais, la victoire une fois acquise, ils se retrouvaient ennemis. Les partis étaient aux prises dans le parlement et dans le pays ; les lords et les communes se querellaient sans cesse. Toutes les questions et toutes les difficultés se soulevaient à la fois. À côté des luttes politiques, il y avait les luttes religieuses. En Angleterre, la haute église cherchait à opprimer les non-conformistes, et en Écosse les presbytériens, se relevant, cherchaient