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REVUE. — CHRONIQUE.

teindre un petit nombre de factieux endurcis, résidu des dernières révolutions, et toujours prêts à s’insurger par l’assassinat. C’est à une catégorie de coupables nettement définie que s’adressent les dispositions nouvelles. Ainsi donc voilà le cercle où le gouvernement lui-même circonscrit l’action de la loi ; tel est l’ensemble de moyens qu’il a jugés nécessaires, mais qui lui suffisent, et l’application répondra sans nul doute au commentaire.

On n’en est point à savoir que le dernier attentat a soulevé une bien autre question, celle des réfugiés : seulement ce n’est plus ici une question de politique intérieure, c’est une affaire d’un caractère tout extérieur ; le vrai théâtre où elle se débat, c’est l’Angleterre. Cette question vient de remplir les premières discussions du parlement, qui s’est rouvert il y a quelques jours à peine, et naturellement toutes les opinions se sont produites dans la chambre des lords comme dans la chambre des communes. C’est lord Palmerston lui-même qui est allé au-devant du débat dans la chambre des communes, en présentant un bill qui assujettit à des peines un certain ordre de délits ou de crimes préparés en Angleterre et commis au dehors. Disons tout d’abord qu’il ne s’agit nullement pour l’Angleterre de porter atteinte au droit d’asile. Ce précieux privilège, la France elle-même l’a trop longtemps exercé à l’égard de tous les bannis du monde pour en demander l’abandon à un autre pays. Aussi, dans une dépêche adressée à l’ambassadeur de France à Londres, et qui devait être communiquée au gouvernement anglais, M. le comte Walewski s’abstenait-il de toute indication de cette nature ; il ne précisait même aucune demande, s’en remettant entièrement à l’initiative, à la sagesse du cabinet britannique. Il n’est pas d’ailleurs en Angleterre un gouvernement qui voulût assumer la responsabilité de proposer une abrogation du droit d’asile, et aucun parlement à coup sûr ne sanctionnerait cette proposition. Lord Palmerston a plus habilement agi. Il a trouvé en Irlande une loi d’une sévérité exagérée, et en Angleterre une loi incertaine, confuse ou inefficace. Il paraît même que la conspiration pour assassinat n’est pas prévue en Angleterre ; elle est assimilée à toute autre conspiration vulgaire, à une cabale pour siffler au théâtre. Lord Palmerston a saisi l’occasion d’introduire une certaine uniformité dans la législation, en adoucissant les rigueurs encore survivantes en Irlande, en fortifiant au contraire la loi anglaise, et il a présente son bill, qui établit une échelle de peines contre le crime de conspiration ayant en vue l’assassinat dans les états de la reine ou hors de ces états. L’affaire n’était point encore cependant aussi simple qu’elle pourrait le paraître. L’attentat du 14 janvier a certainement inspiré au peuple anglais la même répulsion profonde qui a été ressentie et exprimée partout ; mais en même temps quelques adresses de l’armée, qui ont reçu une publication officielle, ont suscité en Angleterre d’autres sentimens, et ont éveillé quelques susceptibilités qui se sont fait jour dans les deux chambres. La lecture d’une dépêche du ministre des affaires étrangères de France, attribuant cette publication à une inadvertance, et exprimant le regret qu’éprouvait le gouvernement français de l’impression fâcheuse qu’elle avait produite, est venue tempérer ces susceptibilités. Par ce fait même, la question se trouvait dépouillée de ce qu’elle avait de plus délicat, et la situation du cabinet était infiniment plus simple. La discussion n’a point laissé d’être vive et étendue, et lord Palmerston a été obligé de défendre son œuvre contre les hostilités