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que la princesse Mandane[1] avoit sur la tête n’empêchoit pas que l’on ne vît mille anneaux d’or que faisoient ses beaux cheveux, qui étoient du plus beau blond, ayant tout ce qu’il faut pour donner de l’éclat, sans ôter rien de la vivacité qui est une des parties nécessaires à la beauté parfaite. Elle étoit d’une taille très noble et très élégante, et elle marchoit avec une majesté si modeste qu’elle entraînoit après elle les cœurs de tous ceux qui la voyoient. Sa gorge étoit blanche, pleine et bien taillée. Elle avoit les yeux bleus, mais si doux, si brillans et si remplis de pudeur et de charme, qu’il étoit impossible de les voir sans respect et sans admiration. Elle avoit la bouche si incarnate, les dents si blanches, si égales et si bien rangées, le teint si éclatant, si lustré, si uni et si vermeil, que la fraîcheur et la beauté des plus rares fleurs du printemps ne sauroient donner qu’une idée imparfaite de ce que je vis et de ce que cette princesse possédoit. Elle avoit les plus belles mains et les plus beaux bras qu’il étoit possible de voir… De toutes ces beautés il résultoit un agrément en toutes ses actions si merveilleux, que soit qu’elle marchât ou qu’elle s’arrêtât, qu’elle parlât ou qu’elle se tût, qu’elle sourît ou qu’elle rêvât, elle étoit toujours charmante et toujours admirable. »

Il y a encore dans le Cyrus bien d’autres passages sur la beauté, l’esprit et le caractère de Mandane, qui ne se peuvent rapporter qu’à Mme de Longueville. Mandane est sans cesse occupée de sacrifices et de cérémonies religieuses : quelquefois même elle se retire parmi les vierges voilées qui demeurent au temple de Diane. N’est-ce point une allusion manifeste à la piété si connue de Mme de Longueville et à ses fréquentes retraites chez les Carmélites ? Mandane, au milieu des plus grands succès des armes du roi son père et de son illustre amant, parle toujours contre la guerre et l’effusion du sang humain[2], comme au congrès de Munster Mme de Longueville, avec son mari et d’Avaux, était déclarée pour la paix, en opposition à la politique de Mazarin[3]. Mandane est donnée, dans l’habitude ordinaire de la vie, pour la personne de l’humeur la plus tranquille et la plus douce[4], ainsi que tous les témoignages nous peignent Mme de Longueville avec une langueur charmante, et poussant même la douceur jusqu’à l’air de l’indifférence, quand la passion n’agitait pas son cœur. Le trait particulier de l’esprit et de la beauté de Mandane est précisément cette union merveilleuse de la modestie et de la grandeur qui imprimait à la fois du respect et de l’admiration à tous

  1. Le Grand Cyrus, t. Ier, livre II, p. 320.
  2. Par exemple, t. Ier, livre II, p. 450.
  3. La Jeunesse de madame de Longueville, ch. IV.
  4. Le Grand Cyrus, p. 522.