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travaux de drainage s’élèvent à 147 millions ; il reste à employer 73 millions pour épuiser les crédits votés par le parlement. La plus grande partie de cette somme a été dépensée en Irlande, où un genre particulier de drainage, qu’on appelle artériel, a pris un grand développement. Le drainage artériel, commencé en 1842, s’est poursuivi sans relâche et paraît près d’arriver à son terme ; c’est un grand système d’écoulement général des eaux, ayant pour but de dessécher les marais, d’améliorer la navigation, de prévenir les désastres des inondations, d’utiliser les chutes d’eau, de préparer les voies au drainage agricole, etc. On évalue au quart de la surface totale de l’Irlande l’étendue des bassins qui ont déjà reçu cette puissante amélioration, et à plus de 50 millions la dépense faite. M. Barrai nous promet un quatrième volume sur un sujet non moins intéressant que le drainage, et qui y tient par plus d’un côté, l’irrigation ; on ne peut que faire des vœux pour qu’il tienne bientôt sa promesse.

L’application des sciences à la culture a produit un traité complet de la Distillation, par M. Payen. À défaut de l’enseignement oral des sciences agricoles, les publications d’un chimiste aussi habile et aussi exercé que M. Payen ne peuvent que rendre de grands services. On fait maintenant de l’alcool avec tout, avec des grains, des betteraves, des topinambours, des pommes déterre, du sorgho, de l’asphodèle, etc. La plupart des grandes fermes du nord de la France possèdent des distilleries.

M. Girardin, président de la Société d’agriculture de la Seine-Inférieure, et M. Morière, professeur d’agriculture du département du Calvados, ont fait à la fin de 1856 une excursion agricole dans l’île de Jersey. J’avais moi-même, dans mes études sur l’Économie rurale de l’Angleterre, essayé d’appeler l’attention sur l’étonnante prospérité agricole de cette île et sur la division extraordinaire de la propriété et de la culture qui la distingue parmi les possessions anglaises ; je suis heureux de voir mes assertions confirmées par le témoignage d’aussi bons observateurs. La relation de leur voyage se divise en deux parties distinctes. La première est uniquement relative à la fabrication du cidre ; le cidre de Jersey, très estimé en Angleterre, constitue en effet une des richesses de l’île : on en exporte annuellement de 6 à 7,000 hectolitres. MM. Girardin et Morière donnent les détails les plus précis sur la culture du pommier et sur les procédés de fabrication. « Jamais, disent-ils, nous n’avons bu de boisson aussi délicieuse en Normandie. »

La seconde moitié, la plus importante, traite de l’état général de l’agriculture à Jersey. Cette île présente une superficie totale de 17,000 hectares, dont 16,000 cultivables. MM. Girardin et Morière portent la population totale à 70,000 âmes : je ne l’avais portée qu’à