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peut citer en première ligne, avec le Traité de la Culture améliorante, de M. Lecouteux, les Lettres sur l’Agriculture, par M. Victor de Tracy, ancien ministre. M. de Tracy est du petit nombre des grands propriétaires français qui se sont adonnés à la culture avec une passion éclairée. L’immense terre de Paray-le-Fraisil, en Bourbonnais, qui n’était autrefois qu’une lande improductive, s’est transformée entre ses mains, et donne aujourd’hui de très beaux revenus. Fort de cet exemple, il s’est attaché, dans une série de lettres écrites d’un style vif et naturel, à attirer vers le sol l’attention de tous ceux qui cherchent l’emploi de leur activité et de leur capital ; il les y engage par toute sorte de faits, et en particulier par les chiffres extraits de la comptabilité d’un de ses domaines.

Ce domaine était affermé en 1847 pour 950 francs par an, l’impôt, de 200 francs environ, étant à la charge du propriétaire. M. de Tracy l’a repris en 1848. Pendant les cinq premières années de sa gestion, les frais ont excédé annuellement la recette de 5 à 6,000 fr. ; mais à partir de 1853 le revenu commence à se dégager, et il atteint en 1856 16,600 francs. « Il est probable, ajoute M. de Tracy, que la moyenne du produit net ne pourra par la suite dépasser ce dernier chiffre ; mais certainement cette moyenne ne tombera pas au-dessous de 15,000 francs par an. » Et il est à remarquer que ces beaux résultats, qui ne sont qu’une partie de ceux obtenus par l’auteur, ne l’ont pas empêché de prendre une part active aux travaux de nos assemblées publiques, et même de passer au ministère ; c’est du reste ce qui arrive souvent aux hommes d’état anglais, qui ne cessent de diriger eux-mêmes leurs domaines, tout en donnant beaucoup de temps aux affaires publiques.

Quant à l’ennemi qu’on redoute le plus dans la vie rurale, l’ennui, M. de Tracy est, comme Voltaire, sans pitié pour cette crainte puérile, qui ne prouve qu’une grande pauvreté d’esprit. Il rappelle, pour s’en moquer, ces vers d’une ancienne comédie où une dame de la cour, momentanément reléguée à la campagne, après avoir dépeint la variété de sa vie de Paris, s’écrie :

Mais la monotonie est au fond d’un château ;
Que voyez-vous d’ici, dites-moi, je vous prie ?
Des troupeaux dans un champ, des gueux dans un hameau,
Et partout des gazons, des arbres et de l’eau !


Et encore, aurait-elle pu ajouter, pas toujours, car tout le monde n’a pas à volonté des gazons, des arbres et de l’eau.

Le ministère de l’agriculture, du commerce et des travaux publics a commencé la publication d’une Description des espèces bovine, ovine et porcine de la France, par les inspecteurs-généraux de l’agriculture. La première livraison, rédigée par M. Lefour, est consacrée