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si l’on songe à l’extrême diversité des cultures et des modes d’exploitation : on verra des vignobles lutter contre des terres arables, des fermiers contre des propriétaires, de petites cultures contre des grandes, des systèmes extensifs, comme des forêts et des pâturages contre des systèmes intensifs. Comment se décider en présence d’élémens si divers et quelquefois si opposés ? On échapperait à la plupart de ces inconvéniens s’il était permis au jury de diviser la prime ; mais il ne paraît pas que, cette année du moins, cette latitude lui ait été accordée.

Dans un des huit départemens appelés en 1857, les Basses-Pyrénées, le jury n’a pas décerné le prix, aucune exploitation ne lui ayant paru suffisamment digne de cette haute distinction. Il va sans dire que cette décision sévère a été accueillie dans le pays par un vif mécontentement. Quinze concurrens s’étaient présentés, et avaient satisfait à toutes les conditions exigées. On ne peut que respecter la décision du jury, qui a eu sans doute ses raisons. Il s’en faut de beaucoup cependant que les Basses-Pyrénées soient dans leur ensemble un de nos départemens les plus arriérés ; on peut les ranger au contraire dans la moyenne des départemens français, comme développement de richesse et de culture. Dans tous les cas, si la division de la prime avait été permise, on aurait probablement évité ce désappointement.

Le département de la Lozère, qui passe avec raison pour un des plus pauvres, a été plus heureux ; le choix du jury est tombé sur une terre appartenant à M. Des Molles, alors député au corps législatif. Cette terre, située à 1,000 mètres environ au-dessus du niveau de la mer, donne une preuve de la puissance de la culture sur la nature la plus rebelle. Composée de 219 hectares, dont 105 en terres labourables, 29 en prairies, 43 en pâturages et le reste en bois, elle rapportait autrefois 4,800 fr. ; elle en rapporte aujourd’hui à peu près le triple, déduction faite de l’intérêt des capitaux engagés. Une autre terre, située également dans ces montagnes, a vivement disputé le prix ; le propriétaire y a dépensé en améliorations foncières 134,000 fr.

Dans le département de la Loire, l’heureux vainqueur a été M. Zielinski, directeur de la ferme-école. On s’est beaucoup demandé à ce sujet si les fermes-écoles, déjà subventionnées, devaient être admises à concourir ; on voit que, dans la Loire du moins, le jury a répondu par l’affirmative.

Dans la Sarthe, c’est M. le vicomte de Charnacé qui a eu le prix pour un domaine qu’il exploite directement ; on ne peut s’empêcher de se rappeler, en voyant ces efforts intelligens d’un grand propriétaire, l’histoire si bien racontée par Saint-Simon d’un autre Charnacé, probablement l’ancêtre de celui-ci, qui fit enlever si lestement