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de là sa force. Dans les parties de la Grande-Bretagne où le croisement des races a été moins compliqué, l’organisation des habitans présente un instrument plus uniforme et par conséquent moins riche. En Écosse par exemple (et c’est une observation que j’emprunte à un Écossais lui-même, à Hugh Miller)[1], le visage humain offre bien moins de traits individuels et particuliers qu’en Angleterre. Les Anglais, quoique regardés comme les hommes les plus robustes de l’Europe, n’étalent point au même degré que les Écossais les dehors de la force rude et primitive ; mais ils ont des membres qui se prêtent mieux aux diverses exigences des arts mécaniques. Si l’on fait attention au caractère moral, le contraste devient encore plus frappant. Dans les districts ruraux de l’ancienne Calédonie, vous ne rencontreriez rien qui ressemblé à cette classe d’individus grossiers, abrutis, désœuvrés, malheureusement trop commune dans les mêmes districts en Angleterre. Leur face ronde, les traits de leur physionomie saxonne, tout indique assez qu’ils descendent d’ancêtres barbares, et que leur intelligence, cette belle au bois dormant, continue de sommeiller depuis des siècles dans la nuit de l’ignorance. La masse du peuple écossais se montre plus instruite, plus cultivée, plus curieuse que le mob dans certaines parties de l’Angleterre. En revanche, si la population du nord de la Grande-Bretagne descend moins bas, elle s’élève moins haut que la nation anglaise, quand celle-ci s’élève. L’Écosse a produit des hommes remarquables sans doute, mais on lui demanderait vainement jusqu’ici un Milton, un Shakspeare, un Byron. Walter Scott seul, et encore dans un genre inférieur, s’est placé au premier rang. La nation anglaise proprement dite est un clavier humain d’une incomparable étendue, qui contient les gammes les plus sourdes et les plus basses, mais qui atteint aussi aux échelles de notes les plus élevées dans l’intelligence. Si la science ethnologique n’est point une chimère, la racine du fait est facile à découvrir. L’Écosse a été moins exposée que l’Angleterre au flot des diverses invasions et par conséquent moins soumise aux causes d’inégalité que ces croisemens successifs impriment en quelque sorte dans le sang d’une race.

Un fait me préoccupe, je l’avoue, quand je considère la population anglaise : c’est le grand nombre des cheveux et des yeux noirs. Prichard avait fait avant moi la même remarque, il avait même évalué la proportion des habitans bruns à huit sur dix. Ce fait a surtout lieu de m’étonner quand je me souviens que toutes les races qui ont servi à composer la nation anglaise, les Celtes, les Saxons,

  1. First impression of England and its people.