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mortel. Elle se lamentait, se plaignant avec force larmes et sanglots du vol qui la condamnait à devenir une exilée sur la terre. En vain elle implora la restitution du talisman : l’homme était ivre d’amour ; il se montra inexorable. Tout ce qu’il put faire pour elle, ce fut de lui offrir sa protection et un abri sous son toit comme à sa femme. La sirène, voyant qu’elle n’avait aucun moyen de rejoindre ses anciens amis, accepta l’offre. Ce singulier attachement conjugal se soutint pendant des années, et plusieurs enfans furent les fruits d’une si étrange union entre un Shetlandais et une fille de la mer. Ces enfans ressemblaient à tous les autres, seulement ils avaient comme marque de leur origine les doigts légèrement palmés. Cette particularité s’est conservée jusqu’à ce jour, as a testimony of the fact, parmi les descendans de la famille. L’amour du Shetlandais pour sa femme était sans borne, mais son affection était froidement payée de retour. Souvent elle s’esquivait et allait se promener seule sur le rivage ; à un signal donné, quelqu’un paraissait sur la mer, quelqu’un avec lequel l’ancienne sirène tenait une conversation inquiète dans une langue inconnue. Un jour il arriva qu’un des enfans trouva par hasard une peau de phoque cachée (on devine par qui) sous une meule de grain. Tout fier de sa découverte, il courut la montrer à sa mère. Celle-ci tressaillit ; sa joie ne fut troublée que quand elle regarda son enfant, qu’elle allait quitter pour toujours. Elle l’embrassa et s’enfuit à toute vitesse vers les sables. Sur ces entrefaites l’homme revint à la maison ; il apprit que la peau de phoque était retrouvée, devina le reste, et courut pour retenir sa femme ; mais il arriva juste à temps pour voir la transformation de cet être aimé. Il la vit s’élancer, sous la forme d’un phoque, de la pointe d’un rocher dans la mer. L’être mystérieux avec lequel elle avait eu tant d’entrevues secrètes, un énorme phoque, apparut et la félicita de la manière la plus tendre sur le succès de sa fuite. Avant de plonger aux gouffres inconnus, elle jeta un dernier regard sur le pauvre habitant de la terre, dont la mine désespérée excita sans doute en elle quelques sentimens de compassion. « Adieu, lui dit-elle, je te souhaite toute sorte de bonheur. Je t’aimais beaucoup lorsque je demeurais sur la terre ; mais j’ai toujours aimé mon premier époux mieux que toi ! »

Les Danois ne furent point les derniers conquérans de l’Angleterre. Vers l’an 1066, les Normands, conduits par leur chef Guillaume, s’emparèrent du gouvernement du pays. Après la fameuse bataille de Hastings, le sol anglais fut en partie submergé par les hordes étrangères. Ces hommes du Nord, fixés depuis quelque temps en France, sur les côtes de la Normandie, étaient des Norvégiens ou des Danois. À l’origine, ils n’avaient point amené de