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que vingt-neuf d’entre eux se donnèrent la mort pour ne pas être exposés en spectacle dans un combat de gladiateurs. Cette opposition de mœurs n’était rien encore auprès du contraste qui existait entre les institutions politiques et sociales des deux peuples. Chez les Saxons, tous les membres de la communauté étaient libres et guerriers ; ils portaient tous les armes et prenaient leur place dans la bataille ou dans les assemblées. Il n’en était pas de même parmi les Celtes : l’ordre sacerdotal des druides et la caste militaire constituaient chez eux deux ordres privilégiés. Une différence si tranchée a donné lieu à une antipathie qui exista dans l’origine, qui existe même encore aujourd’hui entre les deux races. M. Pinkerton est l’écho des préjugés anglais quand il déclare que « un Goth est à un Celte ce qu’un lion est à un âne. » Il ne faut point chercher à une autre source qu’à cette diversité d’origine les causes de la répugnance instinctive qui se traduit quelquefois entre les Anglais et les Irlandais par des actes regrettables. Dans quelle proportion cet antagonisme de caractères a t-il été un obstacle au mélange des deux races ? Si l’on regarde seulement à la distribution actuelle des deux familles humaines sur le sol de la Grande-Bretagne, on serait tenté de croire que cet obstacle a été immense. Vous ne retrouvez aujourd’hui le type celtique à l’état plus ou moins pur que dans les districts de l’Angleterre et de l’Irlande où s’élèvent des chaînes de montagnes. Une telle localisation du type semblerait indiquer à première vue que la race bretonne a été refoulée ou qu’elle s’est retirée devant la conquête, ne voulant point se mêler aux conquérant On a pu admettre cette migration dans l’enfance des études ethnologiques, mais il n’est plus permis aujourd’hui de raisonner sur de pareilles bases. Il s’est passé dans la Grande-Bretagne ce qui arrive partout quand deux races étrangères sont mises en présence. C’est une loi générale que la plus forte efface la plus faible. N’allez pas imaginer pour cela que cette dernière disparaisse sans laisser de traces. Les races absorbées revivent dans les races absorbantes, dont elles enrichissent les caractères.

Il est curieux d’observer à quel point la famille celtique a diminué sur le sol de la Grande-Bretagne dans tous les endroits où elle a été mise en contact avec les tribus anglo-saxonnes. La population de la Cornouaille, autrefois purement celtique, a aujourd’hui perdu ce caractère ; dans les districts du pays de Galles et des highlands, où le sang breton a été soumis à un mélange avec les anciens envahisseurs, la race indigène perd graduellement ses traits les plus tranchés. Le jour viendra sans doute où ces remparts de montagnes sauvages, qui ont servi de barrière aux Celtes contre l’épée des Romains et contre la framée des Saxons, cesseront d’opposer une résistance