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et qui s’étendait alors sur une pièce de terre d’environ quatre acres. Cette découverte eut lieu par hasard, au moment où l’on travaillait à enclore un ancien champ d’herbe pour le livrer à la bêche. Là, dans une des fosses, fut trouvé le squelette d’un homme à taille gigantesque : il devait avoir eu sept pieds anglais de hauteur. Près du crâne était une tête de lance en fer. Ce crâue est d’une forme ovoïde[1], et somme toute il contraste en puissance avec les crânes de la période celtique. On ne s’étonne plus, à le voir, que ces fortes têtes saxonnes, en se jetant sur la terre de la Grande-Bretagne, en aient repoussé les indigènes. L’histoire des races fût-elle perdue, on la retrouverait écrite sur le livre du cerveau humain. Leur supériorité relative, leurs conquêtes, leur influence sociale, tout est là. Les exhumations peuvent servir à contrôler les portraits que les anciens nous ont laissés de la race saxonne. Ces Hercules du Nord se faisaient remarquer par leurs larges têtes rondes, leur haute stature, leur grande énergie musculaire ; si les morts qu’on retrouve dans les anciens cimetières se levaient de leur tombe, ils auraient cette apparence formidable. Il n’existe aujourd’hui rien de semblable dans la Grande-Bretagne. À l’uniformité du type saxon primitif ont au contraire succédé un grand nombre de variétés individuelles. À quoi tiennent ces différences ? À deux causes : au croisement des races et aux degrés très inégaux du développement social.

À part la structure du crâne, les Saxons ne différaient pas considérablement des Celtes par les traits extérieurs : les uns et les autres étaient d’une complexion blanche et blonde ; les Saxons avaient seulement les cheveux plus rouges, tandis que la chevelure des Celtes était couleur de lin. Il n’en était pas de même de leur caractère. Les Celtes savaient vaincre, les Saxons savaient conquérir[2]. La bravoure, là légèreté l’inconstance, un manque d’empire sur soi-même, tels étaient les principaux traits du naturel celtique. Fermes, persévérans, tenaces, doués d’une fierté d’âme singulière, les Saxons se montraient supérieurs à la mauvaise fortune. Symmaque nous apprend

  1. On peut voir le dessin de ce crâne dans le grand ouvrage de MM. Davis et Thurnam, Crania Britannica. La partie antérieure, quoique d’abord étroite et fuyante, s’élève vers le sommet de la tête ; le développement de l’occiput est considérable ; la partie saillante des sinus frontaux forme une sorte de bosse qui se projette en avant du nez. Il existe peut-être encore des Anglais qui ont une telle forme de crâne, mais ils sont rares, et c’est à coup sûr dans les couches les plus incultes de la population qu’il faudrait les chercher.
  2. Il est à remarquer que les Anglais ne se servent presque jamais du mot vanquish ; ils se servent du mot conquer. Pour eux, la victoire n’a de sens que quand elle aboutit à la conquête. Cette circonstance tient, entre autres causes, au génie des deux races. Le Celte témoignait pour le bien-être matériel une indifférence qui n’était nullement partagée par le Saxon.