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ajouter, en historien impartial des faits, que la tradition ne se montre point favorable à l’hypothèse d’une famille d’hommes primitive fixée sur le sol de la Grande-Bretagne avant l’arrivée des Celtes. Dans une ancienne chronique welche, il est dit que les Kimris, « lors de leur descente dans les îles britanniques, n’eurent aucun tribut à payer, parce qu’ils étaient les premiers occupans du sol. Avant eux, il n’y avait point d’hommes vivans dans ces îles : il n’y avait que des ours, des loups, des castors et des bœufs à grandes cornes[1]. »

Ce monument écrit est intéressant ; mais c’est une faible autorité aux yeux de l’ethnologiste. Toutes les races anciennes ont mis une sorte d’amour-propre à se représenter comme les premiers enfans du sol à la surface duquel on les trouve établies. Si l’on ne consulte que les traditions, il est certain que le regard ne découvre rien, dans cette nuit des âges, au-delà de l’occupation des îles britanniques par les Celtes ; mais il s’est développé dans ces derniers temps une science qui jette quelques lumières nouvelles sur la succession des races humaines à la surface de chaque contrée, et cette science est la linguistique. Or quelques philologues ont cru reconnaître dans la langue anglaise certains sons dont ils ne pouvaient rapporter l’origine aux idiomes celtiques ou tudesques.

Le docteur Prichard désigne sous le nom d’Ugro-Tartares un groupe de nations dont les types principaux sont les Mongols, les Tongrois, les Tartares, les Turcs, mais qui se ramifient en un grand nombre de tribus, pour la plupart nomades. C’est la famille la plus nombreuse et la plus répandue sur le globe. L’angle facial est moins ouvert chez elle que chez la race caucasique, le visage est plat, la barbe grêle, la peau jaune ; les pommettes sont saillantes, les yeux étroits et obliques, les lèvres grosses, les cheveux droits et noirs. De ces peuplades, restées pour la plupart à l’état barbare, sont sortis Attila, Gengis et Tamerlan. Tout annonce que les Ugro-Tartares, auxquels se rattachent certaines races hyperboréennes, les Samoïèdes, les Lapons, les Esquimaux, constituent un des rameaux les plus antiques du genre humain. Il y a même des raisons pour croire que certaines tribus de cette famille ont été les aborigènes de quelques parties de l’Europe. Les Basques, si l’on en juge par leur langue, appartiennent à cette migration antéhistorique ; debout au milieu de races qui ont plus tard envahi leur territoire, ils dominent le flot des âges et des événemens, comme ces rochers, d’une formation plus ancienne, qui s’élèvent à la surface des couches déposées par d’autres déluges. Eh bien ! des philologues anglais ont cru également reconnaître

  1. Triads of the Welsh. Voyez Archaiology of Wales, vol. II. Ce document fut imprimé d’après un manuscrit portant la date de 1601.