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et il est malaisé de connaître au juste les avantages obtenus dans une période d’un quart de siècle par exemple, la progression, en un mot, du capital industriel dans notre pays.

Pour entreprendre avec fruit une étude pareille, il faudrait posséder un premier point de comparaison qui, par malheur, fait défaut. À trois époques différentes, l’administration française a tenté de dresser une statistique industrielle qui pourrait offrir un des deux termes du rapport à établir entre le temps passé et le temps présent ; mais on ne saurait avoir beaucoup de confiance dans les résultats de cette statistique. En 1788, M. de Tolosan, inspecteur du commerce, a donné l’inventaire de quelques-unes des industries principales de la France ; en 1813, le corps législatif reçut en communication un exposé de la situation de l’empire, dont l’exécution ne répondit point à la pensée qui l’avait conçu ; enfin en 1831 M. Thiers, comme ministre du commerce, fit reprendre l’étude statistique du royaume, non plus par départemens comme en 1812, mais par ordre de matières. Il fallut attendre jusqu’en 1845 pour obtenir un résultat auquel manquèrent encore les statistiques de l’industrie parisienne et celles du midi occidental de la France, et malgré ces lacunes le gouvernement fit publier ses recherches en 4 volumes in-4o, dont M. Moreau de Jonnès a, depuis l’exposition universelle, résumé le plan, le résultat et le but dans un ouvrage intitulé : Statistique de l’Industrie de la France.

Ce dernier tableau de la production industrielle du pays a, comme on vient de le voir, l’inconvénient de ne pouvoir être opposé à de premiers tableaux d’une exactitude reconnue, et par conséquent de ne pas fournir matière à une comparaison. Il est en outre incomplet lui-même, puisqu’il renferme encore deux lacunes considérables. Enfin il offre ce grand inconvénient, que, dressé à la suite, de recherches qui embrassent une longue suite d’années, il présente comme appartenant au jour où il a été publié des chiffres qui ont été obtenus dès le moment où le travail lui-même a été entrepris, et qui ont dû être notablement modifiés dans l’intervalle. À défaut de notions exactes, ce qu’on doit chercher dans cette intéressante publication, c’est une vue d’ensemble et une impression dont la vérité ne saurait être mise en doute.

Si l’on ne peut établir péremptoirement que la production de la laine par exemple, qui était de 9 fr. par habitant en 1788, s’est élevée à 13 fr. en 1850, que la production du coton a quadruplé, que la statistique des fers, dont le produit, suivant M. de Tolosan, montait à 69 millions de francs en 1788, et à 107 en 1812 d’après M. Chaptal, dépasse aujourd’hui 374 millions, et a sextuplé ; si l’on n’ose admettre comme rigoureusement vrai que, pour les produits