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nécessités pour satisfaire à des besoins industriels de premier ordre, pour fournir des alimens indispensables à une activité sérieuse ? L’un met en réserve le capital, instrument du travail, et achète des titres qui le représentent ; l’autre en vend et puise au réservoir commun pour subvenir aux frais d’une exploitation nouvelle. Quant à ceux, et le nombre en diminue de jour en jour, qui n’ont aucun intérêt réel dans les valeurs prises à peu près au hasard pour la matière de leurs jeux ou paris, qui ne reconnaît encore l’appui indirect qu’ils prêtent au travail par l’influence qu’ils exercent sur le crédit, soit en modérant ses emportemens par la prévision des contre-coups qui en seront la suite, soit en combattant ses défaillances et en escomptant l’avenir ? A qui étudierait avec attention sa marche, l’histoire de la bourse de Paris dans les années qui ont suivi 1848 fournirait de curieux enseignemens. Pour la sagacité de ses appréciations, pour le sens politique qui détermine ses fluctuations, on pourrait même dire que la Bourse de nos jours se substitue souvent à la tribune et à la presse, et c’est surtout à ce point de vue, en la considérant comme organe de l’opinion publique, qu’il serait juste d’appeler la Bourse un nouveau pouvoir dans l’état.

Si donc il est vrai que la spéculation et l’industrie soient unies par des liens indissolubles et exercent l’une sur l’autre une action réciproque, pour amnistier ou condamner la spéculation, il faudra examiner la situation de l’industrie. Or, la première s’étant accrue dans la proportion de 1 à 2, quels ont été les progrès de la seconde ? L’une, en se propageant, en s’étendant à un plus grand nombre, a amélioré ses élémens et sa nature ; qu’est devenu le caractère de l’autre pendant la même période ? Quels pas a donc réellement faits notre pays dans la voie de la décadence ou du progrès ? Quelle peut être la valeur des prédictions sinistres ou des menaces qui lui sont adressées de points si divers ? C’est ce qui reste à examiner, et il en résultera peut-être cette preuve, que là où l’industrie est si prospère, la spéculation n’est pas aussi coupable que le prétend M. de Vallée, et que l’industrie et la spéculation ne méritent pas toutes deux la flétrissure que M. Proudhon leur inflige.


II. — DE L’INDUSTRIE.

Les progrès de l’industrie sont notoires, mais il est difficile de les préciser Chacun a le sentiment intime que la France a marché rapidement dans cette carrière, où l’Angleterre et la Belgique nous avaient si brillamment devancés, et les grandes expositions de ces dernières années à Londres et à Paris, ont été la confirmation éclatante de cet instinct patriotique ; mais on ne sait point exactement,