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2 millions et demi que s’applique ce revenu brut moyen de 700,000 fr. environ ; mais on doit le réduire d’un tiers au moins, pour les frais d’exploitation, aujourd’hui considérables, les éventualités de perte, les remises enfin, qui ne sont pas une diminution de courtage en faveur des cliens, ce qui constituerait un acte de concurrence déloyale, mais l’abandon d’une partie du bénéfice fait par l’agent au profit d’un intermédiaire qui lui amène des affaires, chose parfaitement licite et pratiquée dans toute espèce d’industrie. Il reste donc un produit moyen de 15 à 20 pour 100 sur le capital nécessaire à l’exploitation d’une charge d’agent de change. Les habiles dépassent de beaucoup cette moyenne, quelques-uns n’en atteignent que la moitié, le plus grand nombre y demeure.

Voilà donc établie et démontrée par des chiffres authentiques et formels la progression de la spéculation à Paris. En vingt années, elle a doublé. On ne serait pas toutefois arrivé à un résultat exact, si l’on omettait de mentionner les négociations de bourse faites par d’autres agens que les membres du parquet de Paris. À côté de la compagnie des agens de change, on voit à Paris même deux corps de courtiers effectuer un très grand nombre de transactions : ce sont les courtiers en rentes, qui composent la coulisse dite des rentes, et les courtiers en valeurs industrielles, qui forment la coulisse dite des valeurs. Je ne parle pas d’autres courtiers qui négocient des titres dont le nom n’est guère révélé au public que dans les procès judiciaires et les séances de la police correctionnelle, il faudrait descendre ainsi plusieurs étages de coulisses ; mais les deux premières espèces de courtiers dont il vient d’être question constituent des corporations puissantes, dont le rôle n’est pas sans utilité, et dont les principaux membres peuvent lutter d’intelligence des affaires et de crédit avec les dignitaires eux-mêmes du parquet. La coulisse dite des rentes existait seule à la première des deux époques que nous comparons ; la seconde est de création toute récente. Sans entrer dans des détails inutiles au but de cette étude, il suffira de dire, pour démontrer l’importance de ces deux corporations extralégales, que plusieurs de ces offices de courtiers sont appuyés sur une commandite de 1 million versé en fonds de roulement, que leur rôle est de négocier des valeurs ou de se prêter à des combinaisons négligées par le parquet, que leur utilité incontestable enfin naît de ce qu’en rendant les affaires plus faciles, ils permettent de se liquider plus aisément, et d’atténuer par des contre-parties les positions trop chargées. L’existence de ces coulisses, dont on voit l’équivalent près de toutes les grandes bourses de l’Europe, est une sauvegarde pour la spéculation aussi bien que la liquidation de quinzaine introduite après 1848 pour les négociations sur les actions.